« Derrière la victoire apparemment écrasante de ce gouvernement et de sa police, se cache en fait une étrange et paradoxale défaite, celle du pouvoir qui ne tient plus que par sa force. »
Il s’est malgré tout passé quelque chose hier. Si on est loin des mobilisations historiques de fin novembre début décembre le mouvement des gilets jaunes n’est pas mort. Fait rarissime, il aura survécu à la coupure estivale. Il y a de grandes chances qu’il continue à exister de manière diffuse ponctué de dates plus importantes et de soubresauts remarquables ici et là. Déjà se profile l’anniversaire du 17 novembre.
Sur les ronds-points comme dans les manifs, la répression policière et politique aura constitué un obstacle majeur pour le mouvement des gilets jaunes comme pour tout mouvement. Hier encore le dispositif policier était énorme et les agressions policières en tout genre se sont multipliées.
Le signe d’une faiblesse
Mais s’il est important d’insister sur le caractère policier que prend ce gouvernement, il importe aussi de relever que le déploiement systématique de cette violence politique est en fait le signe d’une faiblesse. Derrière la victoire apparemment écrasante de ce gouvernement et de sa police, se cache en fait une étrange et paradoxale défaite, celle du pouvoir qui ne tient plus que par sa force.
D’abord pour une raison très simple. Plus un pouvoir est violent et autoritaire, plus il est faible et menacé. On a bien senti souffler un vent de panique du côté du gouvernement à propos de la journée d’hier. Le président appelait au calme pour la journée du patrimoine, pour laquelle d’ailleurs des mesures spéciales étaient prises. Il aura fallu pas moins de 7500 policiers pour maintenir l’ordre. Alors que dans le même temps les effets d’annonce s’accumulent pour dire que le mouvement est fini.
Effectivement, au jeu du rapport de force le gouvernement a remporté la bataille. Mais il a perdu la bataille des cœurs et des esprits. Jamais le slogan tout le monde déteste la police n’a été moins faux. Et parmi ceux qui le crient à tue-tête aujourd’hui, on en trouve beaucoup qui prenaient la défense de « nos » forces de l’ordre hier. Derrière cette détestation de la police, il faut lire la haine du gouvernement. Il s’agit d’une véritable fracture politique et en haut lieu ils doivent bien savoir ce qu’elle a d’inquiétant pour les temps qui viennent. Au-delà même des gilets jaunes.
Acte après acte, les gens tiennent debout
Ensuite quels que soient les efforts et l’efficacité relative de la violence déployée par ce gouvernement pour mater et écraser la révolte, il n’arrive pas à tout contenir. Tout le monde s’accorde avec raison pour dénoncer l’ampleur du dispositif répressif d’hier. Mais l’ordre n’a pas régné toute la journée dans toutes les rues de la capitale. Avec ses arrestations massives et ses mutilations en série le gouvernement a choisi une stratégie de la Terreur. Pour autant il n’a pas réussi à faire que tout le monde reste chez soi. Acte après acte, les gens redescendent dans la rue, la peur au ventre, mais ils tiennent debout fièrement et ils invectivent la police sûrs de leur bon droit.
Hier des gilets jaunes ont réussi à se retrouver sur les Champs-Élysées, des centaines de petits cortèges sauvages se sont constitués et dissous pour échapper à la pression policière. Certains ont pu bloquer la circulation en mettant le feu à du mobilier urbain ou en dressant de petites barricades. Ils sont nombreux ensuite à s’être retrouvés en tête du cortège de la manif pour le climat, échappant un temps au contrôle de la police. Et la percée se poursuivait tard dans la nuit sous la forme d’une manifestation nocturne improvisée.
C’est la leçon réconfortante de la journée d’hier et de toutes les autres, si le fantasme de ce pouvoir est qu’il ne se passe rien, il est bien incapable de réaliser un tel programme. Le camp du désordre a la tête dure.