Nos envoyés spéciaux Rouen dans la rue relatent le septième jour d’expulsion de la ZAD de Notre-Dame-Des-Landes qui a débuté lundi 9 avril au matin. Ce dimanche 15 avril, un appel massif avait été lancé à venir chercher son bâton planté en octobre 2016 pour défendre la ZAD ainsi qu’à reconstruire un nouveau lieu collectif.
La préfète l’avait annoncée : en fonction du déroulé de la manifestation nantaise du samedi, le dispotif d’accès à la zone à défendre serait renforcé et le rassemblement pourrait même être interdit. Elle, qui n’a pas dû manquer la mise en déroute du dispositif policier, pourtant composé de 1000 agents, ni le ravage partiel du hyper-centre nantais, a tenu sa promesse. On apprend tôt dans la matinée que la quasi-totalité des routes menant à la ZAD sont contrôlés : les flics fouillent les véhicules et parfois leur demandent de rebrousser chemin sur aucune base légale.
Malgré tout, des milliers de personnes sont présentes pour reconstruire la ZAD. Les opposants ont le sourire et viennent les bras chargés de vivres, de matériel médic’ et d’une énerge folle qui vient rebooster la résistance sur place !
Des personnes se massent à la Wardine, d’autres à Bellevue ou aux Fosses Noires. Toute la semaine, malgré la violence et l’intensité des expulsions, une partie des occupants préparaient le rendez-vous de ce dimanche : l’idée principale était d’appeler les soutiens à venir chercher leur bâton et de préparer parallèlement une construction à mettre en oeuvre. Du bois de la forêt de Rohanne a été scié à cette fin à l’aide de la menuiserie collective de la zone sous le Hangar de l’Avenir. C’est un hangar agricole collectif qui se dessine et nous projetons de le construire sur la parcelle du Gourbie, lieu emblématique de la zone.
Pourtant, la préfète ainsi qu’Edouard Philippe avaient annoncé qu’ils ne reproduiraient pas l’erreur de 2012 et qu’ils ne laisseraient pas la reconstruction se faire. Le dispositif de GM avec leur blindé est déjà en place au carrefour de la Saulce, comme pour signifier que le passage d’un cortège sur la route des Fosses vers le Gourbie ne serait pas toléré. Malgré tout, bâtons en mains, des milliers de personnes accompagnent la charpente en partie assemblée vers l’objectif, non pas via les routes principales, mais à travers les champs et la forêt. Des personnes à l’avant ouvrent le chemin et depuis la barricade des Lascars, on aperçoit une maison ambulante se déplacer à travers la forêt. Un moment de joie et de puissance difficile à décrire, sous les regards ébahis des gendarmes mobiles sous pression.
Nombre des personnes restent dans les champs alentours et sur la D81 pour sécuriser le passage de la charpente. Nous chantons et dansons face aux GM qui font la gueule, qui décidément, n’ont pas envie d’être là. Depuis une semaine, présents 16h par jour, faisant face à une résistance massive et active, la fatigue et la peur se lit sur leurs visages. On entend dans leurs talkies : « la pression monte ». Certains GM menacent la foule en point leur LBD40. Foule composée de nombreuses familles venues soutenir la ZAD en ce dimanche 15 avril.
Un « cordon » de sécurité s’organise spontanément jusqu’aux Fosses noires au nord de la route pour accompagner la structure. Face au champs du Gourbie des renforts de GM se déploient et commencent à gazer pour empêcher la structure et ses défenseurs d’approcher. Nous l’avions anticipé et nous retournons vers le champs de la Wardine pour terminer la construction sereinement et plantons symboliquement nos bâtons tout autour. Nous attendrons le retrait de flics pour l’amener à bon port.
Pendant ce temps, sur la D81 sur le champs faisant l’angle avec le chemin de Suez, les GMs et leur blindés sont toujours en place. La tension monte et finit par exploser. Deux heures d’affrontements s’en suivront, les GMs mangent et reculent. Ils craquent et se déchaînent sur un niveau violence pas encore atteint depuis le début de la semaine. Dans le champs, malgré la présence de milliers de personnes et de centaines de familles, les flics lancent une pluie de lacrymogènes et des dizaines de grandes GLI F4 au lanceur. Elles explosents parfois à hauteur de tête et dans la plupart des cas directement sur les pieds d’opposants massés dans le champs. Ils font de même en direction de la D81, malgré la présence de bétail enfermé dans des hangars non-loin de là. Les soupçons d’utilisations de grenades « incapacitantes » se font de plus en plus crédibles. Ce sont des grenades qui provoquent vomissements, saignements des oreilles, pertes de sens et de repères, interdites en temps de guerre : un maintien de l’ordre à la française.
De parole de paysan, les bêtes souffrent vachement des affrontements et du gaz intensif : elles chient anormalement et ne veulent plus de l’herbe des champs gazés. Rappelons que l’opération aura déjà fait au moins un mort côté animaux : une brebis oubliée par les flics sous la bergerie des 100 noms lors de sa destruction a péri sous les décombres.
Parallèlement, la construction du hangar collectif se poursuit et se termine sur le champ de la Wardine. Plus tard dans la soirée, les flics se retirent enfin. La voie est libre pour transporter à plusieurs centaines la structure jusqu’à son objectif final : le Gourbie, pour sa cinquième ou sixième régénération. Cette parcelle a d’abord hébergé une ferme en dur historique, détuite en 2012, puis des cabanes dont une brûlée et enfin le dôme du référundum, détruit cette semaine par les forces de l’ordre. Moment de joie exceptionnel encore une fois au cours de cette longue journée. Un nouveau Gourbie est né, et un premier pas vers la reconstruction a été fait, sous les regards impuissants de l’hélicoptère de gendarmerie survolant la fête qui s’étendra jusqu’au bout de la nuit. La structure est évidemment très menacée, dès demain matin. Affaire à suivre.