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Canicule et réchauffement climatique - Le pire reste à venir

« Le système continuera de se réchauffer tant que nous n’aurons pas réduit les émissions à un niveau proche de la neutralité carbone ».

 

Nouveaux records de température en Méditerranée

La tendance se confirme. Après une sécheresse précoce dans le nord de la France il y un mois, c’est maintenant une vague de chaleur intense et inédite qui s’abat sur la Méditerranée orientale. Cela n’est jamais arrivé si tôt dans l’année, alors que l’été est encore loin. En Italie, en Grèce, à Chypre et en Turquie, les services météorologiques locaux ont enregistré des températures jamais atteintes à cette période de l’année. La semaine dernière, il a fait jusqu’à 44,5 °C à Tire, en Turquie, 41,8 °C à Plora, en Grèce, 39,9 °C à Palerme, en Italie, et 43,5 °C à Morphou, à Chypre. La température est montée jusqu’à 48,1 °C dans la vallée du Jourdain, 46 °C à Jéricho, et 38 °C à Jérusalem.

L’inquiétude commence à pointer aussi pour la France.

Avec ce mois de mai 2020 poursuivant la tendance chaude, nous sommes sur une série inédite de 12 mois consécutifs plus chauds que la normale en France. L’anomalie thermique en France était déjà de +1,1°C au 17 mai. Avec le coup de chaud actuel et les perspectives estivales pour la semaine prochaine, cet excédent va s’accroître et il ne fait absolument aucun doute que ce mois de mai 2020 sera plus chaud que la normale dans notre pays. Mai 2020 s’apprête donc à devenir le douzième mois consécutif plus chaud que la normale en France, une série totalement inédite depuis que cet indicateur existe en 1899.

Canicule et réchauffement climatique

Si la situation est complexe c’est évidemment du côté du réchauffement climatique qu’il faut chercher. Depuis quelques années, le lien entre le réchauffement climatique et les vagues de chaleurs est à l’étude. A partir de relevés météorologiques dans sept stations à travers l’Europe, une équipe de chercheurs de l’Institut météorologique royal des Pays-Bas a pu établir que le changement climatique avait multiplié la probabilité de vagues de chaleur dès 2018 rapporte Libération.

« Cette situation n’est pas étonnante, confie Hervé Le Treut à Reporterre, climatologue et ancien membre du Giec (Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat). On ne peut jamais savoir si un événement isolé aurait pu se produire de manière naturelle, sans action humaine. Cependant, lorsque l’on observe l’évolution du climat sur plusieurs décennies, on voit que ces épisodes de réchauffement localisés sont corrélés aux émissions de gaz à effet de serre. Globalement, nous sommes en train de battre des records depuis au moins une quinzaine d’années ».

Climatologues et prévisionnistes s’attendent à ce que la situation empire dans les années à venir. « Les vagues de chaleur au cœur de l’été risquent d’être plus fréquentes et fortes, et de s’étendre dans la durée en rognant sur le printemps et l’automne », explique Emmanuel Demaël.

Une autre étude, publiée cette fois dans la revue Science Advances, montre que des niveaux de température et d’humidité tels que le corps humain ne peut y survivre ont déjà été atteints, pendant une à deux heures, dans deux stations météorologiques du golfe Persique. Le groupe de chercheurs estime que ces conditions climatiques extrêmes pourraient être régulièrement rencontrées avec un réchauffement climatique de moins de 2,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle.

« Nous sommes donc face à un système qui continue de se réchauffer, et ce sera le cas tant que nous n’aurons pas atteint un niveau de réduction des émissions proche de la neutralité carbone. Pour l’instant, nous n’y sommes pas du tout. »

Catastrophe à venir

Une autre catastrophe s’approche et a déjà commencé. Sa violence risque d’être sans commune mesure avec la crise que nous venons de connaître. Et si l’économie a été mise partiellement à l’arrêt pour face au COVID, la passivité est extrême quand il s’agit du réchauffement climatique. Le problème il est vrai est plus complexe : c’est définitivement qu’il faudrait mettre à l’arrêt cette civilisation marchande, toxique et industrielle.

Relire aussi notre article du 20 avril : https://rouendanslarue.net/vers-une-secheresse-historique-une-nouvelle-catastrophe-pointe-son-nez/