Si la loi était respectée, il n’y aurait pas de révolution
En plus du mépris, le ministère de l’Intérieur profère de belles menaces : « S’il n’y avait pas de magasins pillés, de barricades érigées. S’il n’y avait pas de voitures brûlées, de bâtiments publics saccagés. S’il n’y avait pas de projectiles lancés sur les forces de l’ordre. S’il n’y avait pas de policiers et de gendarmes roués de coups. En somme si la loi était respectée, il n’y aurait pas de blessés ». Nous leur répondons : « Si la loi était respectée, il n’y aurait pas de révolution. »
Si ce mouvement a déjà obtenu le moindre résultat, c’est précisément par l’émeute et les blocages, tous deux combinés, chacun le sait. L’émeute spontanée, joyeuse, joueuse et redoutable du 24 novembre et 1er décembre à Paris, ou encore les brefs épisodes locaux du 29 décembre et 5 janvier. Et le blocage effectif des flux, celui qui impacte en millions d’euros la bonne circulation des marchandises. Le pouvoir actuel ne comprend pas d’autre langage. S’il a fait mine de céder et s’il cède à nouveau un jour, c’est par crainte de l’insurrection.
Passer des caps
Or depuis quelques actes, depuis que ceux-ci ont pris la forme des manifestations provinciales, nous butons contre un obstacle. Tout mouvement a besoin de sentir qu’à chaque étape quelque chose se gagne. Si ce n’est le RIC ou l’augmentation du SMIC, il s’agit de gagner en confiance, en expérience, en connaissance du terrain et en détermination. Passer des caps, même vers l’inconnu. Fin décembre, il aura simplement suffit de l’incendie de la Banque de France à Rouen pour relancer la machine pour plusieurs actes. Mais depuis deux semaines au moins, c’est la stagnation, donc l’ennui et la perte de puissance.
La stagnation est périlleuse pour tout mouvement. La contestation sociale des dernières décennies a été rendu totalement inoffensive par une absence d’inventivité et de changement de forme. La manifestation syndicale drapeaux-merguez, rodée et pacifiée est évidemment l’exemple par excellence à éviter.
Le peuple frappe aux portes, mais on leur arrache les mains
Alors que les gilets jaunes parisiens tentaient encore ce samedi de pénétrer dans un des lieux emblématiques du pouvoir, on leur arrachait la main. Voilà comment on convie les gueux au « grand débat national ». Il n’en reste donc que le seul espace d’expression possible, la scène principale du conflit, c’est la rue. Indéniablement, c’est le seul lieu de débat qu’il nous faut continuer de tenir, et ce avec d’avantage de détermination.
Tactiquement, on sait que le combat est truqué. Pas complètement fou, l’État ne renonce pas à ses grenades offensives et à ses balles en caoutchouc. Il faut donc se mettre à bricoler. À nous de généraliser l’usage des protections. Ajoutons aux protections individuelles (masque à gaz, masque de ski, etc.), les protections collectives : banderoles renforcées et boucliers maison. Le droit de manifester se conquiert chaque samedi.
Retrouver de la conflictualité
La rue est l’endroit où l’on s’explique avec le gouvernement. Sur le principe, pas besoin de vous faire un dessin : il s’agit de s’organiser d’une part pour avancer et tenir la police en respect, d’autre part pour ne pas recevoir de mauvais coups. Que tous les gilets jaunes viennent hardiment en équipe de dix ou vingt, avec des idées derrière la tête et du matos rangé ici ou là. C’est de ça que le mouvement a besoin. On trouve la cohésion en prenant l’initiative, et inversement.
Plus clairement, il nous faut retrouver de la conflictualité dans les cortèges, celle que l’on a perdu dans les dernières manifestations rouennaises mais qui a été retrouvée dans le cortège parisien de l’acte XIII. Il s’agit de continuer à éprouver ensemble les moments de cohésion qui nous renforcent, et ce pour les mettre à l’épreuve des actes décisifs qui accompagneront la fin du grand blabla national les week-end du 9 et 16 mars sur Paris.
Crédit photo de mise en avant : Taranis News