Écologie

Ils arrivent Expulsion de la ZAD - Jour 1

Nos envoyés spéciaux Rouen dans la rue relatent le premier jour d’expulsion de la ZAD de Notre-Dame-Des-Landes qui a débuté lundi 9 avril au matin.

Dimanche soir, alors que l’expulsion s’annonce toujours plus imminente, les derniers préparatifs de blocage et de barricadages montés à la hâte s’effectuent. La plupart des accès à la zone sont bloqués et tenus par une poignée d’occupants. Les tours de guets sont prévus sur les coups de 4h du matin, mais l’ambiance électrique et les missions logistiques noctures nous emmènent déjà au beau milieu de la nuit. Il est 3h, les premières informations circulent, les fourgons se déploient sur la D281. Les travaux de ce boulevard flambant neuf étaient terminés puis plus d’une semaine et était dorénavant tout à fait adéquat à une opération de maintien de l’ordre. Les premières détonations résonnent et les premières arrestations sont officialisées. Tout porte à croire, comme nous le pressentions déjà, que la gendarmerie veut taper fort, vite et prendre sa revanche sur 2012 et sa mise en échec lors de l’opération César.

 

Les nouvelles vont très vite d’une barricade à l’autre. Alors que certains « quartiers » de la ZAD ne sont pas inquiétés par l’évacuation en cours, quelques fourgons isolés mettent la pression sur certaines barricades pour tester leur solidité et la réactivité de ses défenseurs. Sous tension, des barricadiers mettent prématurément feu aux amas de pneus prévus pour gagner du temps sur un éventuel repli.

Après les planchettes, premier lieu à tomber, c’est au tour de la Lama Fâché. Des occupants résistent comme ils peuvent en se hissant le plus haut possible de leur cabane. Des arrestations ont lieu. Les renforts venus de toute la zone et des villes alentours convergent vers le bourg des Fosses Noires. On apprend dans la foulée que la Lama Fâché flambe, que la barricade principale de la Grée aussi, sous la pression des forces de l’ordre. Toute la journée, les détonations résonnent, la liste des lieux expulsés s’allonge et celles des arrestations aussi. Le moral est au plus bas, la fatigue devient pesante, l’humidité de plus en plus perçante.

La préfète tient sa conférence de presse aux alentours de midi. Alors qu’elle semblait disposer à « négocier » le devenir des occupants de la zone depuis l’abandon du projet, elle révèle aujourd’hui sa face la plus brutale, sans concession. Les termes « illégaux », « squats », « non-respect de l’Etat de droit » sont utilisés à outrance, par elle-même et ses relais médiatiques. Tout un immaginaire est (re)convoqué pour justifier cette intervention, somme toute illégale (sur le plan des procédures d’expulsion, engagés anonymement alors que nombre d’occupants avaient décliné leur identité) et tout bonnement illégitime. Rappelons que les occupants, ce qu’ils ont construit en termes d’habitats, d’expériences collectives et d’infrasctructures communes et communistes sont, en grande partie, ce qui a fait reculé l’un des plus grands projets d’aménagement du territoire français ces dernières années. Leur légitmité à rester, parce qu’ils y ont toujours vécu ou parce qu’ils y sont liés indéfiniment par la lutte, est simplement évidente. Les 6 points pour l’avenir sans aéroport portés par l’ensemble du mouvement anti-aéroport le rappellent. Le mouvement n’a jamais refusé une entité juridique légale tant que celle-ci respectait sa volonté à décider de ce qu’il le concerne, de l’usage des terres agricoles à la gestion des conflits internes.

A la surprise générale, c’est au tour des 100 noms d’être pris pour cible. Un potager énorme, des moutons et des ânes, des infrastructures monstres, des habitats hors du commun faisait de ce lieu un espace emblématique de la ZAD ! Les occupants et des soutiens venus d’ailleurs ont d’abord résisté à l’entrée, au bord de la D281. Ils réclamaient l’avis d’explusion de l’huissier. Celui-ci tarde et les opposants reculent jusqu’à la bâtisse principale des 100 noms. Ils forment une chaîne humaine et résistent aux pressions policères, physiques ou injurieuses. Des personnes se hissent sur le toît. Le reste des soutiens, bien que repoussés à l’extérieur de la parcelle continuent de chanter leur soutien à ceux perchés sur le toit. Les slogans se répondent. Après un long moment de négociation, toujours sur fonds d’huissier, les forces de l’ordre évacuent les derniers occupants des 100 noms. La nouvelle est accueillie comme un énomre coup de masse pour le mouvement. Pour autant, alors que les bulldozzers et pelleteuses sont immédiatement envoyés mettre à terre les infrastructures, les soutiens restent. Nous sommes plusieurs centaines. A crier, à harceler les forces de l’ordre. L’une des énormes de machine de chantier s’embourbe. Nous décidons d’aller la « pousser », pour les « aider ». Nous nous approchons des lignes. Les GM déployés dans le champ sont sous pression et gazent, à la main. La tension monte alors que les machines commencent la démolition. La tristesse devient rage. Les soutiens concentrés sur les accès à la parcelle des 100 noms redoublent de détermination pour mettre à mal les forces de l’ordre défendant l’opération. Des affrontements éclatent. En plus des différents projectiles trouvés ici et là, la boue disponible en quantité illimitée, est joyeusement projetée sur les premières lignes de GM qui commencent à sérieusement ragées. Les boucliers, casques et jambières sont reconvertes de boue !

Les forces de l’ordre, après près d’une heure de face à face, décident d’inonder les champs de gaz lacrymogène, repoussant les manifestants sur le point de crispation qui s’était installé entre la Lama Fâchée et les fosses noires où des grilles anti-émeutes étaient déployées. A cet endroit, face au camp des cheveux blancs, des cantines s’improvisent et il est possible de se ravitailler et d’occuper les routes en toute convivialité.

Aux alentours de 19h, les affrontements et la tension retombent. On comtpabilise entre 6 et 7 arrestations qui ont débouché sur des GAV. Un flic blessé et une machine de chantier partiellement incendiée. Plus d’une dizaine de lieux expulsés et détruits. L’opération, prévue pour une durée d’au moins 8 jours, ne s’arrêtera pas là. Pour autant, on apprend que les fourgons de GM quittent les routes et s’engagent sur es 4 voies vers Nantes. Un choix tactique étonnant. Des patrouilles sillonnent tout de même, à l’heure actuelle, la D281.

Les multiples réactions aux formes hétérogènes, les soutiens de plus en plus nombreux débarquant sur zone et la magnifique résistance qui s’est déployée autour de la destruction des 100 noms redonnent ici énormément de courage et de volonté pour ne pas laisser une opération si violence et scandaleuse se poursuive en toute tranquilité. Faisant de chaque prise de lieu par les forces de l’ordre « une bataille des 100 noms ». Gagnons du temps. Faisons de la ZAD leur Vietnam. Reconstruisons et réoccupons autant que possible. Mais surtout, VENEZ !