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Journal de Quito insurgée - Douze jours de révolte en Équateur

«On a réussi, on a réussi. Vive le peuple». La foule a envahi les rues du centre de Quito dimanche soir avec des cris de joie. Et le bruit des grenades lacrymogènes qui avait retenti une bonne partie de la journée a laissé la place à celui des pétards et des feux d’artifices. Après douze jours d’une crise qui a complètement paralysé le pays et fait au moins huit morts, le gouvernement a fini par céder et retirer le décret 883 libéralisant le prix des carburants qui avait déclenché les mobilisations. Un lecteur équatorien nous fait parvenir le récit des jours les plus incroyables de son existence.

Journal de Quito insurgée

Éléments de contexte

Le 1er octobre dernier, le président Lenin Moreno, élu en mai 2017, annonce une série de mesures économiques, désormais connues sous le nom de paquetazo, parmi lesquelles la suppression des subventions publiques pour les carburants, effective à partir du 3 octobre. Le lendemain, l’Équateur déclare son intention de quitter l’OPEP pour pouvoir augmenter sa production de pétrole et engranger ainsi de nouveaux revenus.

La fin des subventions pour les carburants fait partie d’un train de mesures visant à faire baisser le niveau d’endettement de l’État, une baisse exigée par le FMI en mars 2019 en échange d’un prêt de 4,2 milliards de dollars. Parmi ces mesures, on retrouve également les habituelles coupes dans les dépenses sociales (suppression de congés et baisse des salaries des fonctionnaires). Le décret présidentiel a pour conséquence une hausse
immédiate du prix de l’essence de plus de 100%, bientôt suivie d’une hausse générale des prix des biens de première nécessité, dans un pays ou plus de 40% de la population vit sous le seuil de pauvreté.

Les finances de l’Équateur dépendent très fortement des prêts du FMI, de la Banque Mondiale et de la Banque Interaméricaine de Développement. Le pays n’est en outre plus maître de sa politique monétaire depuis l’an 2000 et l’abandon de l’ancienne monnaie nationale, le Sucre, au profit du dollar américain.
Immédiatement après ces annonces, la Fédération Nationale des Transports (FNT), des syndicats de gauche et la CONAIE (Confédération des Nations Autochtones d’Équateur) appellent à la grève.

Jeudi 3 octobre – J1 Grève des transports – Premiers affrontements – Déclaration de l’état d’urgence

Premier jour du paro (grève avec blocage). Les taxis bloquent les rues des grandes villes, de nombreux transports publics sont à l’arrêt et une partie des vols au départ de l’aéroport Mariscal Sucre sont annulés. En prévision de la paralysie du pays, le gouvernement a fait fermer les écoles et les collèges. À Quito, une manifestation part de
l’Université Centrale pour rejoindre le Palais de Carondelet (siège du gouvernement), où éclatent les premiers affrontements. Un manifestant, Luis Tipantuña, perd un oeil suite à un impact de grenade lacrymogène en plein visage. La police charge la manifestation qui se disperse dans la soirée aux alentours de l’hôpital Eugenio Espejo. Environ 350 personnes sont arrêtées.

Les mots du président Moreno pour qualifier le mouvement, « la révolte des fainéants », ne fait que renforcer la détermination d’un mouvement qui va déjà bien au delà du seul secteur des transports et qui dépasse largement la simple revendication de retrait du décret sur les subventions pour les carburants.

À l’issue de cette première journée, dont l’ampleur a pris par surprise les autorités, Moreno déclare l’état d’urgence dans le pays pour soixante jours. La Cour Constitutionnelle réduira ensuite ce délai à trente jours. Cette décision signifie de fait une remise des pleins pouvoir à l’armée et à la police pour la répression du mouvement.

Vendredi 4 octobre – J2 Premier jour sous état d’urgence : l’armée se déploie

75 000 membres de la police et les forces armées sont déployées dans le pays pour lever les blocages et garantir la circulation des moyens de transport publics. La FNT annonce la fin de la grève et le début des négociations avec le gouvernement. Les syndicats FUT (Front Unitaire des Travailleurs), FP (Front Populaire) et la CONAIE (Confédération des Nations Autochtones d’Équateur) appellent de leur côté à la grève générale pour le 9 octobre.

Samedi 5 octobre – J3 Affrontements à Quito

Nouvelle journée d’affrontements dans les rues de la capitale.Une grande partie des transports interprovinciaux et intercantonaux sont encore à l’arrêt en raison des blocages. La Confédération des Nations Autochtones d’Équateur (CONAIE) déclare un « état d’exception » dans les zones autochtones en réponse à l’état d’urgence et menace d’arrêter les policiers et les soldats déployés sur leurs territoires pour les soumettre à la « justice autochtone ». Quarante-sept policiers et soldats sont ainsi capturés dans le canton d’Alausí, au sud Quito, avant d’être libérés quelques heures plus tard.

Lundi 7 octobre – J5 Marche des autochtones vers Quito – Transfert du siège du gouvernement à Guayaquil

Au cours d’une conférence de presse, le président de la CONAIE Jaime Vargas annonce que « plus de 20 000 d’entre nous arrivent à Quito pour exiger le retrait du décret gouvernemental », ajoutant que « le mouvement autochtone reste mobilisé de manière permanente dans tout le pays ». Les premiers arrivés parviennent à forcer le blocus policier et entrent dans Quito par l’avenue Maldonado au sud de la ville. Pendant ce temps, ceux qui ne participent pas à la marche continuent de bloquer les routes dans les campagnes, paralysant le pays. Le président Moreno quitte Quito pour Guayaquil, la deuxième ville du pays et annonce le transfert temporaire du siège du gouvernement dans cette même ville. Le président, dont la ligne politique reste inflexible, commence toutefois à montrer des signes de panique et hurle au complot fomenté par son prédécesseur Correa avec l’appui du chef de l’État vénézuélien Nicolà Maduro. Dans les rues de Quito, des assemblées populaires se mettent en place dans les quartiers. De nombreux carrefours sont occupés et transformés en points d’accueil où se retrouver avant et après les manifestations. Des cantines improvisées voient le jour. Les vendeurs ambulants ont remplacé les fruits par des masques à gaz sur leurs étals. Des feux sont allumés dans les rues pour atténuer l’effet des gaz.

Mardi 8 octobre – J6 Irruption à l’Assemblée Nationale – Le couvre-feu est décrété

En réponse à la marche vers Quito, l’État décrète un couvre-feu qui vient s’ajouter aux mesures de l’état d’urgence. De 20h à 5h du matin, les rues aux alentours des édifices gouvernementaux ainsi que certaines autres zones stratégiques sont interdites à la circulation. Cette décision est ressentie par beaucoup comme un pas de plus vers la dictature militaire. Le mouvement autochtone a tenté de négocier pour entrer symboliquement dans l’Assemblée Nationale. Alors que les premiers manifestants commençaient à entrer, la police et les forces armées se sont mises à tirer des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc. Dans la panique, des gens ont été piétinés, d’autres ne parvenaient plus à respirer.

Une attaque féroce a ensuite été lancée par la police contre les manifestants qui reculaient dans la rue. Le nombre officiel de morts et de blessés est encore inconnu à ce jour. Il est confirmé qu’au moins deux personnes ont perdu la vie, l’une écrasée par un « trucutu » (blindé) de la police et une autre à cause d’un tir de lacrymogène à bout portant dans la tête. Mais la confusion reste grande sur le nombre de morts et la plupart des médias évitent le sujet. Des centaines de femmes avec leurs enfants et des personne âgées se trouvaient dans le parc Arbolito, ce qui n’a pas empêché la police de continuer à tirer en direction du parc. À la nuit tombée, une demi-heure avant le début du couvre-feu, la police a attaqué la Maison de la Culture, qui servait de refuge et de lieu d’accueil pour les manifestants, et s’est mise à poursuivre, molester et arrêter des personnes qui cherchaient à rejoindre leurs domiciles.

Les représentants politiques, toute tendances confondues, justifient l’état d’urgence et le couvre-feu en parlant de défense de la démocratie. Les trois chaînes de télévision nationales minimisent ce qui est en train de se passer et certains médias indépendants ont été perquisitionnés sous prétexte de fraude fiscale. Ce qui est en train de se passer en Équateur est du jamais vu : le mot d’ordre « ni Moreno (actuel président), ni Lasso (chef du principal parti d’opposition, néo-libéral), ni Nebot (maire de Guyaquil jusqu’en 2019, social-chrétien), ni Bucaram (ancien footballeur, fils d’un ex-président, en 5e place aux élections de 2017), ni Correa (ancien président, aujourd’hui opposé à son successeur) » commence à faire très peur au pouvoir, ce que confirme la fuite du gouvernement à Guayaquil, ville côtière et portuaire, capitale économique du pays, place forte historique des conservateurs, plus facile à contrôler que Quito, aux rues tortueuses, perchée à 2800 m d’altitude, difficile d’accès pour les renforts armés.

Mercredi 9 octobre – J7 Grève générale – Marche autochtone à Quito – Attaque de l’Université Salesiana par la police

Pour cette grande journée de grève générale, le mouvement autochtone avait annoncé sa décision de marcher pacifiquement, ce qui n’a pas empêché la répression policière, en dépit de la présence d’enfants et de personnes âgées dans le cortège. La police a commencé à s’en prendre aux manifestants se trouvant dans le parc Arbolito dès 18h, bien que le couvre-feu ne débute officiellement qu’à 20h.

Les forces de l’ordre ont repoussé la foule jusqu’à la rue Colòn à l’aide de motos et de blindés et ont fini par attaquer l’Université Salesiana, lieu d’accueil et zone de paix où pouvaient jusqu’alors se réfugier les manifestants. Contrairement à ce qui a été affirmé, il ne s’agissait pas d’une regrettable erreur mais d’une conséquence logique de l’état d’urgence (la ministre de l’intérieur María Paula Romo affirme n’avoir pas donné l’ordre à la police d’entrer dans l’université et plaide une erreur de jugement des officiers sur place, ndt). De même que les morts du 8 octobre ou celles des trois jeunes de San Roque (il s’agit de jeunes décédés suite à une chute depuis un pont à Quito lors de la manifestation du 7 octobre, ndt) ne peuvent être qualifiées d’erreurs. Le gouvernement a demandé aux trois opérateurs téléphoniques du pays – Claro, Movistar et CNT – de couper l’accès au réseau dans le centre historique de Quito pour empêcher toute communication entre les manifestants.

Le mouvement manque d’une stratégie commune entre les villes et les campagnes, où sont mobilisés les autochtones. La peur des infiltrés peut expliquer en partie l’absence d’élaboration d’une telle stratégie. Le gouvernement se sert de cette peur et cherche à diviser les manifestants. Les étudiants ont pourtant lutté pendant des heures lundi 7 octobre pour permettre aux autochtones de rentrer dans la ville et ce sont les autochtones qui, à leur tour, ont soutenu de toutes leurs forces la lutte dans les rues de Quito. L’alliance entre les campagnes et la ville est possible, mais elle reste à construire.

La solidarité est le facteur le plus important de la lutte. La population du quartier de San Juan était présente ce mercredi aux côtés des étudiants et des autochtones. Les habitants distribuaient de l’eau et de la nourriture depuis leurs fenêtres, aidaient les jeunes à ramasser des pierres pour ériger des barricades, avertissaient des mouvements de la police depuis les toits-terrasses, aidaient et accueillaient chez eux les blessés, puisque que la police ne laissait pas passer les ambulances. Dans le mouvement autochtone, la responsabilité qu’implique le fait de se définir comme communauté est très forte. Cela signifie marcher ensemble, en emportant avec soi les morts, les esprits ancestraux, les aïeux qui ont combattu en leur temps et sont tombés.

Jeudi 10 octobre – J8 Funérailles d’Inocencio Tucumbi – Communiqué de la CONAIE

Plusieurs universités sont déclarées « zones de protection » et sont ouvertes aux autochtones venus de tout le pays. La Maison de la Culture, située dans le parc Arbolito, à deux pas de l’Assemblée Nationale, est transformée en base arrière du mouvement autochtone dans la capitale. Une cérémonie funéraire en l’honneur du leader autochtone Inocencio Tucumbi, assassiné au cours de la manifestation du 9 octobre, y est organisée. La CONAIE décrète trois jours de deuil national. Quatre des huit policiers retenus prisonniers dans la Maison de la Culture sont contraints de porter le cercueil du défunt avant d’être libérés plus tard dans la journée.

À cette occasion, la CONAIE diffuse le communiqué de presse suivant : À notre base et au peuple équatorien, Nous avons vécu des journées d’agitation frénétiques, nous nous sommes surpris nous-mêmes par notre capacité à lutter et à résister, nous avons montré au monde que le mouvement autochtone et le peuple équatorien ne sont qu’une seule et même chose, et, dans le lieu que l’histoire nous a réservé, nous avons fait trembler le pouvoir. Ceci est notre dernier mot : tout cela ne s’arrêtera pas tant que le Fond Monétaire International n’aura pas quitté l’Équateur. Comme tous les gouvernements faibles et illégitimes, la seule réponse qu’a su offrir Lenin Moreno a été la violence et la répression. Sans le moindre respect pour les droits humains les plus fondamentaux, il a traité le peuple comme un ennemi. Il n’a pas respecté les zones de sécurité humanitaires, en faisant tirer des gaz lacrymogènes là où se trouvaient nos enfants et nos anciens. Il a empêché la création d’un corridor humanitaire afin que les blessés puissent rejoindre les hôpitaux. Et il a massacré nos frères qui sont tombés le corps criblé de balles, touchés par des grenades, écrasés par des chevaux et même jetés dans le vite depuis un pont. Les mots nous manquent pour décrire ce que nous vivons dans ce pays, nous n’avons pas le souvenir dans l’histoire récente d’une répression si atroce et violente contre un peuple qui réclame ses droits. Qui soutient ce gouvernement dans sa guerre contre le peuple ? Les mêmes qui l’ont couvert à Guayaquil. La classe des patrons, celle qui vend la patrie, pro-impérialiste, qui veut s’assurer les prêts du FMI pour que ses propres dettes, sa propre crise, soient payées par la classe des travailleurs, les autochtones et les secteurs populaires. Cette lutte n’est pas seulement pour aujourd’hui, ni seulement pour le prix des carburants, elle veut éviter que notre futur soit hypothéqué et que nous soyons contraints de payer par la faim et la pauvreté pour deux ou trois générations ce que nous n’aurions pas réussi à empêcher à temps aujourd’hui. Nous avons des larmes de rage, mais nous avons appris de nos mères et de nos pères que les morts de la lutte s’honorent en se multipliant. Le dialogue dont parle Lenin Moreno est une farce. Pour cela, camarades, nous allons radicaliser les luttes. Il n’y aura aucun dialogue avec un gouvernement assassin tant que ces conditions minimales n’auront pas été remplies : la démission de María Paula Romo (ministre de l’intérieur, ndt) et d’Oswaldo Jarrin (ministre de la défense, ndt) et le retrait du décret 883 (le décret annoncé le 1er octobre, ndt). Notre tâche en attendant est de continuer à lutter, renouveler nos forces et soutenir les blocages des routes, l’occupation des bâtiments publics, les assemblées dans toutes les communautés et les alliances avec tous les secteurs du peuple. Personne ne prendra la parole au nom du mouvement autochtone pour parler avec ce gouvernement assassin, tant que ces revendications n’auront pas été satisfaites. La seule voix officielle est celle de la présidence de la CONAIE, et les dirigeants qui ne respecteront pas le mandat du peuple seront soumis à la justice autochtone et populaire. Pas un pas en arrière ! Le FMI, en dehors de l’Équateur ! La grève ne s’arrête pas !

L’Équateur est-il si loin des pays d’Europe ? Oui, si l’on compte les kilomètres. Et si les cris de révoltes et les hurlements de douleur qui résonnent aujourd’hui dans les rues de Quito sont recouverts d’une chape de silence. Mais si l’on écoute l’histoire d’une révolte qui réagit à l’abus de trop, à une loi qui affame, l’Équateur n’est pas si loin. Une chaîne relie le FMI au gouvernement, le gouvernement à une loi d’exception, cette loi d’exception à la matraque ou au fusil dont les balles fauchent ceux qui se révoltent. La rapacité extractive, la cruauté de la loi, les froids calculs qui écrasent la vie sont les mêmes. La révolte de l’Équateur est proche, ses morts vous sont proches comme l’est la vie fière qui se répand dans ses rues en ce moment même. Il faut donc faire tout ce qui est possible pour rompre le silence qui l’entoure et ne pas laisser seuls ceux qui ont choisi de résister.

Vendredi 11 octobre – J9 Attaque, trêve et attaque de nouveau de la part de la police

Plus de mille frères et soeurs autochtones sont arrivés de l’Amazonie pendant la nuit. Dès 10h du matin, plus de 10 000 personnes ont quitté la Maison de la Culture et ont commencé à marcher dans les rues de Quito. À 10h45, la première attaque de la police et des militaires a commencé au niveau de l’hôpital Eugenio Espejo. Encore une fois, des grenades lacrymogènes ont atterri dans l’enceinte de l’hôpital. Les manifestants ont défendu leurs positions pendant environ deux heures et malgré les gaz et les blessés, beaucoup de gens les ont rejoint dans la matinée et l’Assemblée Nationale s’est retrouvée totalement encerclée. Au bout d’un moment, des militaires ont commencé à agiter le drapeau équatorien, bientôt rejoints par des policiers ôtant leurs masques à gaz. Un policier est descendu d’un « trucutu » et s’est adressé à la foule en disant qu’ils ne voulaient plus réprimer le peuple.

Une trêve a été conclue, dont tout le monde à profité pour se reposer et manger. Le président Moreno, s’exprimant depuis la chaîne de télévision nationale, a proposé un dialogue direct aux dirigeants du Mouvement Autochtone. La perception collective est que quelque chose est en train de changer. Toujours plus de gens affluent vers la capitale, des camionnettes remplies de nourriture et d’eau sont acheminées vers les points où se trouvent les manifestants, une atmosphère de paix et de solidarité semble régner aujourd’hui. Certains autochtones offrent même à manger aux militaires.

Tandis que des hélicoptères vont et viennent sans cesse depuis le toit de l’Assemblée Nationale, la police décide tout à coup de relancer une offensive à l’aide de lacrymogènes et de balles en caoutchouc. Comme le mardi précédent, un mouvement de panique emporte les manifestants comme une avalanche et le désespoir réapparaît à certains moments. Mais réapparaît également la résistance contre les tireurs embusqués de la police et de l’armée qui visent sans pitié les manifestants depuis leurs positions avantageuses. Alors que j’écris ces lignes, certaines personnes résistent encore dans le parc Arbolito. Le nombre de blessés et éventuellement de morts ne pourra être établi avec certitude que demain. Le gouvernement n’a pas respecté le deuil de trois jours déclaré la veille (jeudi 10 octobre) par la CONAIE. Le dialogue proposé par Moreno se fait en réalité avec les gaz et les balles. Maudits soient les militaires qui ont reçu des aliments de la part des manifestants pour leur tirer dessus sans aucune pitié deux heures plus tard.

Les chaînes de télévision parlent d’un document de la CONAIE qui se déclarerait ouverte au dialogue. La CONAIE rectifie en répondant que la seule condition pour pouvoir négocier est le retrait du décret 883. Il ne s’agit plus seulement d’une révolte sociale contre le FMI, le paquetazo et le gouvernement de Moreno. C’est officiellement le second soulèvement autochtone et la deuxième plus grande grève de l’histoire du pays (cela fera 10 jours d’affilée demain). Les piliers d’une nouvelle société sont en train d’être mis en place. Tout le monde est fatigué de la corruption et des abus de la classe politique dans son entier, de la violence et du cynisme des élites qui décident du sort du pays : minables, racistes et assassins. Grâce à toutes celles et tous ceux qui préparent à manger, apportent des aliments, des vêtements et des jouets. les centres d’accueil ne manquent jamais de ressources. Grâce aux ambulanciers et aux étudiants en médecine qui risquent leur vie, les blessés sont recueillis et soignées. La « Commune de Quito » résiste, carajo !

Samedi 12 octobre – J10 Blocage total à Quito – Le couvre-feu étendu à toute la ville

Les blocages s’étendent dans Quito. 91 rues sont entièrement fermées, dont les avenues principales traversant la ville du nord au sud et celles menant à l’aéroport Mariscal Sucre. Les transports publics ne circulent plus, la plupart des magasins et 25 marchés sur les 29 principaux de Quito sont fermés. Des blocages empêchent l’accès des camions aux marchés de gros. L’eau est coupée dans certains quartiers. D’autres policiers et militaires sont faits prisonniers et détenus dans la stade Calderón, au nord de la ville. La Contraloría General del Estado, le siège du fisc équatorien, vide depuis le départ du gouvernement à Guayaquil est envahie par une groupe de manifestants et livrée aux flammes. Le président Moreno étend le couvre-feu à partir de 15h à toute la ville, placée sous contrôle militaire. Des colonnes de militaires entrent dans la ville.

Dimanche 13 octobre – J11 Annonce du dialogue entre le gouvernement et la CONAIE

La Conférence Épiscopale Équatorienne et l’ONU annoncent la première réunion de dialogue entre le Gouvernement et les organisations autochtones pour 15h. Moreno est contraint de retirer le décret 883. Le bilan officiel est de 8 morts, 1340 blessés hospitalisés et 1192 personnes en détention.