Dans la rue

« Révolution, révolution, révolution ! » : les Gilets Jaunes s’invitent sur les Champs-Elysées

« S’ils veulent un responsable, il est devant vous. Qu’ils viennent me chercher. »

Ainsi s’exprimait Macron le 24 juillet 2018 devant un parterre de parlementaires en pleine affaire Benalla, devenue depuis un scandale d’État. Plein de mépris et de suffisance comme à son habitude, le président se la racontait un peu, niveau cour de récré. Le 2 décembre 2018 les supporters de l’OM répondaient à la provocation de Macron en lançant ce qui allait devenir LE chant du mouvement. « Emmanuel Macron oh tête de cong (sic) on vient te chercher chez toi ! »

Cette fois-ci ça n’était pas une fanfaronnade. Depuis le 17 novembre les gilets jaunes ont essayé et réessayé d’aller chercher Macron chez lui. À l’Élysée. Le 8 décembre, un hélicoptère était prêt à exfiltrer Macron de l’Élysée transformé en bunker pour l’occasion. La seule raison pour laquelle les gilets jaunes ont échoué tient à l’immense dispositif de sécurité dont bénéficie Macron. La police constitue le dernier rempart de ce régime et de son gouvernement. Il se dit même que l’ensemble des forces de police déployées pour protéger l’Élysée samedi dernier a fait défaut pour pouvoir sécuriser les Champs-Élysées. Mauvais joueur Macron se la pète à la récré puis file aussitôt se cacher derrière les surveillants.

On pourrait aisément se moquer de ces gilets jaunes qui chantent en permanence qu’ils vont chercher Macron chez lui mais qui échouent toujours à le faire. Mais ce n’est pas tant au corps de Macron que les gilets jaunes veulent s’attaquer qu’au monde qu’il représente et dont il est la plus parfaite incarnation. Le monde des élites et de son mépris pour « les gens qui ne sont rien », le monde des oligarques qu’on n’hésitait pas à appeler les bourgeois il n’y a pas si longtemps. Le monde des gestionnaires du capital et de la finance qui viennent faire la leçon en permanence à ceux qui galèrent quand ils se vautrent dans le luxe le plus honteux. Le monde de ceux qui fêtent leur victoire présidentielle au Fouquet’s ou qui part au Ski le week-end quand Paris brûle. Le monde de ceux qui feront tout pour que ce système perdure.

C’est ce monde-là que les gilet jaune sont venus chercher et ont su trouver samedi dernier sur les Champs-Élysées. Destruction et pillage systématique des enseignes de luxe, distribution gratuite et sauvage de chocolat, de bijoux, de vêtements et autres denrées au prix généralement inabordable, saccage consciencieux de ce que certains appellent la plus belle avenue du monde, assauts successifs sur les forces de l’ordre chargées de protéger ce monde, et enfin sacrifice du Fouquet’s qui symbolise à lui seul le mépris présidentiel et le monde dans lequel évoluent les puissants. On y brunch pour 95€. Entre-soi. Et loin des gueux.

L’avenue des Champs-Élysées n’est pas notre avenue. Que nous soyons capables de faire la fête sur les ruines de leur vieux monde constitue évidemment pour les bourgeois une raison d’effroi considérable. Car c’était bien un sentiment de fête qui animait les gilets jaunes sur les Champs-Élysées malgré la peur, le sérieux et la détermination collective. Le gouvernement pourra communiquer tant qu’il veut pour nous taxer de complices du pire, ou de criminels. La désinvolture avec laquelle certains d’entre nous s’étaient installés sur une nouvelle terrasse improvisée à partir du mobilier du Fouquet’s en plein milieu des Champs-Élysées fumants montre assez que nous ne nous vivons pas comme des criminels et que nous pensons être dans notre bon droit.

 

Si Macron n’avait pas pris l’hélicoptère le 8 décembre, il a bien été forcé de le prendre ce 16 mars. C’est là-bas, en pleine opération de communication sur des pistes de ski, que nous sommes allés le chercher cette fois pour le faire rentrer de toute urgence. En lui interdisant de faire comme si rien ne se passait.

« Veni, vedi, vici » disait un empereur peu sympathique.

Samedi dernier nous sommes venus, nous avons vu, nous avons vaincu. Quoi précisément ? Impossible de le dire. Mais pour la première fois depuis le début du mouvement la foule scandait unanimement « révolution, révolution, révolution ».