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Supporters algériens/Gilets jaunes - Entre pulsions racistes et sympathie émeutière

Ces derniers jours sur les réseaux sociaux, la recrudescence de commentaires haineux et racistes envers la population issue de l’immigration est flagrante. Ce phénomène intervient en pleine CAN où l’équipe algérienne perce et va disputer la coupe en finale contre le Sénégal. Sur les groupes facebook de gilets jaunes, les « barbares » et « sauvages » fusent face aux images de supporters algériens fêtant la victoire de leur équipe parfois, il est vrai, un peu brusquement.

La vidéo de trois jeunes manifestement venus des banlieues parisiennes pour fêter la victoire de l’Algérie, qui prétendent avoir uriner aux abords de l’Arc de Triomphe, est devenue virale. Devons-nous rappeler de quelle façon les gilets jaunes ont légitimement manifester leur colère le 1er décembre 2018, aux abords et même à l’intérieur du même monument ? La rage populaire s’exprimait, disions-nous. Tout le monde ou presque a des comptes à régler avec la République et ses symboles. Des oubliés de la France périphérique aux jeunes habitants des banlieues, c’est la même condition de laissés-pour-compte qui se manifeste.

« Le maintien de l’ordre dans les banlieues populaires est directement issu de celles expérimentées dans les colonies »

Les français issus de l’immigration décoloniale ont une histoire singulière avec l’état Français. Leurs vieux ont subi l’une des guerres les plus sales de l’histoire de France tandis que leurs jeunes mangent la revanche quotidienne de l’Etat, les traitant comme étrangers dans les quartiers où ils sont nés. Le maintien de l’ordre dans les banlieues populaires est directement issu de celles expérimentées dans les colonies couplée à la création de la figure de « l’ennemi intérieur ».

Pas moins d’arrestation chez les supporters algériens que chez les gilets jaunes

Nous sommes scandalisés par la violence des tirs de LBD dans la tête d’une population majoritairement blanche dans le contexte des gilets jaunes. Elle n’offre pourtant qu’un bref aperçu de ce qui est vécu au moins depuis Sarkozy dans les banlieues françaises. Nombre de gilets jaunes en ont d’ailleurs pris conscience et ont largement changé leur discours à l’égard des « racailles » qui n’auraient que ce qu’ils méritent. Cette partie du corps social, nécessairement suspecte, est un alibi des pouvoirs de police. Contrairement à ce qu’en disent certains, les supporters algériens ne se font pas moins arrêtés que les gilets jaunes : sur la seule journée du 14 juillet, 175 personnes ont été interpellées au cours du rassemblement des gilets jaunes contre 282 arrestations dans la soirée suite aux festivités footballistiques.

La population issue de l’immigration, tantôt invisiblisée tantôt brandie comme menace, est de toute façon maintenue hors du jeu politique. Les gestes violemment transgressifs qui émaillent parfois les festivités des supporters algériens, comme brûler des voitures, attaquer un commissariat ou lâcher un « nique la France » face caméra sont la condition même de l’irruption sur la scène publique de cette population. En retour, les médias sautent sur l’occasion et ne montrent que ça, alimentant le « fantasme » des barbares de quartier, renforçant leur cloisonnement.

En espérant que les pulsions racistes de retour sur les groupes facebook ne soient que l’œuvre d’une minorité de rageux du net, et que la majortié gilet-jaunée ressente à l’inverse une sympathie émeutière aux côtés des supporters algériens qui pourraient à nouveau courir les rues ce vendredi.