Certains ont choisi d’y rester et sont sur le point d’être acquittés pour des viols d’enfants ( https://www.lefigaro.fr/international/2017/03/21/01003-20170321ARTFIG00381-centrafrique-le-non-lieu-requis-contre-les-soldats-francais-accuses-de-viols.php). D »autres ont eu l’intelligence et le courage de déserter. L’un de ces derniers nous a fait parvenir un témoignage de son expérience. Récit.
Les idées mettent souvent longtemps à se former, les langues à se délier, le courage à poindre. Il n’est pas question ici de trouver le courage de dénoncer, mais simplement de se reconnaître hors d’une certaine société, du groupe, de la section. Il s’agit de se confronter au sens commun, à ses usages, au droit et, à force de désillusions ou à la faveur d’un éclair de lucidité, à ce qui nous semble juste. L’exercice est d’une difficulté croissante quand, s’ajoutant à la connerie de la masse, une entreprise d’état tente d’amputer de leur capacité à penser par eux-même les fonctionnaires et les agents d’état. Dès lors, comment remettre en cause les adages, la structure, et, soyons fous, l’état lui-même tant qu’on y est!
C’est en 2008 que je m’engage dans les rangs de l’armée de terre Française en qualité de soldat d’infanterie. Là-bas j’apprends, certes, la vie en communauté, la prise de décision, un autre rapport au corps… Mais j’apprends surtout la violence, l’arbitraire, l’humiliation, le racisme, l’islamophobie, l’homophobie, le colonialisme et l’idée qu’une pensée singulière serait une pensée fausse. Il me parait important de dissiper certaines idées reçues et notamment celle qui veut que la professionnalisation des armées ait changé la donne en terme d’origines sociales des recrues. Il ne me semble pas avoir compté parmi mes frères d’armes, sauf erreur de ma part, ne serait-ce qu’un membre de la famille Sarkozy, Fillon, Hollande, ou d’une quelconque « élite ». Ainsi le ventre de cette armée est aujourd’hui composée d’enfants d’ouvriers, de banlieues ou de campagnes, d’enfants de l’immigration. Bien contents d’obtenir la sécurité de l’emploi, ceux-ci préfèrent se voir donner la mort ou mourir pour des intérêts qui leurs sont étrangers, plutôt que d’aller comme le dit si bien le Sergent R. : « graisser du boulon chez Renault ». Pour faire court, la situation est stationnaire et les pauvres meurent encore pour les riches.
Dans cet objectif, on apprendra gentiment et dans le respect des traités et conventions, la torture et l’utilisation d’armes ou d’attitude inappropriées à la situation.