Mai 2018. Cinquante ans plus tard, nous ne sommes pas mécontents de l’écho que nous sommes en train de donner au fameux mai insurrectionnel. Le 1er, les rues de Paris ont été foulées par le plus gros bloc/tête de cortège des dernières années. Stoppés par un dispositif lui aussi historique, les manifestants ont déplacé la conflictualité dans le Quartier Latin jusque tard dans la soirée : #IlsCommémorentOnRecommence. A Paris toujours, la jonction cheminots-étudiants a donné lieu, au sein d’un comité d’initiatives, à des actions concrètes d’occupations de gares ou de blocages d’examens universitaires. L’ENS a été occupée. Les cheminots ont tenu la grève et l’ont couplée à des actions de sabotage. Plus d’une cinquantaine ont été répertoriées sur tout le territoire rien que pour la journée du 14 mai. A l’échelle du territoire, la conflictualité politique est restée vive depuis avril, autant dans les facs que dans les centres de tri, les gares, et à Notre-Dame-Des-Landes.
Pendant ce temps-là à Rouen, un geste de décalage complet avec les pratiques de la contestation instituées dans cette ville a réussi son coup d’éclat : le Surgissement. L’occupation d’une énorme bâtisse de 3 étages, avec son amphi-théâtre/salle de bourse gigantesque, placée sur la presqu’île hyper-centrale de notre bourgade de province, était promise à un mois de concerts, discussions et ateliers. Les frissons qu’a provoqué en nous la révélation spectaculaire du lieu resteront à jamais gravés, comme le regard ébahi du flic berné.
Nous ne sommes pas simplement satisfaits d’avoir réussi à court-circuiter le dispositif d’une bande de fonctionnaires de police. Nous sommes surtout venus sabrer dès le premier jour ce qui s’annonçait comme un mois de mai « social » sans grande surprise. Nous les premiers, nous étions étonnés de parvenir à remporter un tel pari quand bien même celui-ci n’a duré que quatre jours. Ces derniers auront pourtant suffit à révéler des besoins collectifs et des désirs communs. Il n’y a jamais eu autant de mondes à une assemblée de lutte habituellement réservés aux militants, à un atelier sérigraphie fréquenté par les artistes en herbe ou à un concert de rock-indé consommé par les arpenteurs de caves humides. L’appel d’air qu’a constitué cette occupation nous a rappelé à tous à quel point nous suffoquions au sein du règne de la séparation.
L’élan provoqué par le Surgissement ne demande qu’à être prolongé. Celui-ci nous a donné l’énergie de réitérer, et vite, car il n’y a qu’un mois de mai 2018. Le 19, dans la même journée, deux occupations ont vu le jour à Rouen. D’abord, un énorme immeuble fut occupée par des collectifs de solidarité aux migrants afin de répondre de façon concrète à leur besoin de logement. L’occupation tient toujours. Puis le soir nous prenions possession du Conseil Départementale de la Seine-Maritime, une fois de plus avant les forces de l’ordre. Celles-ci n’auront pas hésité très longtemps avant d’évacuer les lieux du Surgissement#2. Leur obsession et leur réactivité à l’égard de cette initiative laisse bien percevoir ce qu’ils cherchent à tous prix à empêcher : que se retrouvent des chômeurs à durée indéterminée, des travailleurs en lutte, des artistes engagés, des gens qui prennent acte du désastre capitaliste, que ceux-ci se rencontrent, discutent et cheminent ensemble et ce, non plus sur un mode groupusculaire et séparé, mais sur un plan collectif et ouvertement politique. Et c’est exactement dans ce sens qu’il faut aller : rendre praticables les chemins de traverse entre les différents mondes en lutte (qu’elle soit salariale ou environnementale) et entre les différents monde en grève (qu’elle soit ponctuelle ou quotidienne).
Le Surgissement est venue effleuré cette possibilité. Pour ne pas en rester là retrouvons-nous le dimanche 27 mai à 19h à la Conjuration des Fourneaux (149 rue Saint Hilaire) pour en discuter. Dans la foulée : apéro-pizza-bière-tombola-musique.