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Rouen : Ivre, il propose à des néo-nazis de jouer dans sa boîte de nuit

Sophie Anderson

Experts en cybersécurité et journalistes spécialisés dans le domaine de la technologie.

MIS À JOUR: 21 mars 2023

Blague à part, ce soir au Bifröst, une boîte de nuit rouennaise, se tiendra un concert de Black Metal, avec en tête d’affiche le groupe finlandais Horna. Booké et organisé par des associations reconnues au sein de la scène Metal française, ce concert, apparaissant comme un événement Metal parmi d’autres, laisse en réalité à des musiciens entretenant des relations étroites avec la scène National Socialist Black Metal (NSBM) l’occasion de se produire dans notre ville, bien que cette tendance soit devenue de plus en plus active en France et liée à une extrême droite radicale et activiste.

NLDR : Cet article se concentrera sur Horna et le réseau NSBM, le but étant d’avertir le public Metal qui désirerait potentiellement se rendre au concert. Les lecteurs non familiers avec le Black Metal pourront donc être un peu perdus ou manquer de références, aussi nous tacherôns d’être concis et clair dans nos propos. Si vous souhaitez en savoir plus sur le Black Metal, la scène NSBM  et son évolution, une émission de radio sur webradio crochet a eu lieu le dimanche 4 novembre à 18 h 30, où nous a et rendrons accessible au maximum le contenu de cet article. Pour l’écouter c’est par ici ! 

(Photo de couverture : Action Antifasciste Quartier Rouen)

Si vous êtes un amateur de Metal et que vous résidez sur Rouen, vous avez probablement remarqué les flyers et événements Facebook annonçant la venue du groupe finlandais culte Horna, accompagné de The Blaze Of Perdition et Iskald, programmés le 6 novembre au Bïfrost par Ondes Noires – association d’organisation de concerts Metal comportant plusieurs antennes dans diverses villes de France- et par Rage Tour ( NDLR : suite aux articles parus sur Horna, Rage Tour nous a informé avoir pris directement la décision de se retirer du projet, de stopper toute relation avec le groupe et l’agent européen, de manière définitive, tout en informant les salles de la raison de cette action. Ils ont par ailleurs demandé expressément à ne plus apparaitre sur les affiches & flyers de la tournée. )

En apparence, un événement Metal qui vaudrait le détour, le Black Metal se faisant relativement rare dans les salles de concert rouennaises depuis quelques années. Cependant, sans prendre le temps de faire ses propres recherches, se rendre à ce concert, c’est soutenir par sa présence et son argent l’activité d’un groupe entretenant des liens ténus avec la scène National Socialist Black Metal.

Horna est un groupe finlandais formé en 1992 par Shatraug, et s’est imposé depuis comme un des groupes phares du Black Metal finlandais. Le groupe pratique un Black Metal brutal et direct. Bien que n’appartenant pas directement à la scène NSBM (les textes abordés tournent autour de Satan, du paganisme et de l’occultisme, sujets somme toute courants dans le milieu). Cependant, si vous êtes soucieux de ne pas soutenir de groupes aux affiliations politiques douteuses, ne faisons pas l’économie de recherches plus approfondies sur la formation finlandaise.

Pour commencer, Shatraug (Ville Iisakki Pystynen de son vrai nom), guitariste et formateur du groupe, a tenu jusqu’en 2011 le label Grievantee Records, sur lequel il a produit un certain nombre de sorties pour des formations Black Metal. Parmi elles, on retrouvera bien sur quelques sorties d’Horna, mais également Sühnopfer -sur lequel nous reviendrons ultérieurement- mais surtout une compilation collector sur vinyle de Kristallnacht (Blooddrenched Memorial). Formation au nom déjà douteux, elle parlera au plus connaisseurs d’entre vous,qui reconnaîtront en son sein les membres Xaphan, LF et Rost, membres de Seigneur Voland. Formation NSBM culte, dont Xaphan (Anthony Mignoni) et son frère Black Christ (Christophe, membre de Kristallnacht) se sont tristement rendus célèbres en juin 1998 pour une profanation de cimetière à Toulon. Les deux formations étaient ouvertement antisémites.

Horna est actuellement signé sur le label World Terror Comitee. Ce label allemand est tenu par Sven Zimper, membre depuis 2016 du groupe ouvertement antisémite Grand Belial’s Key et membre de longue date d’Absurd. Formation culte de la scène NS allemande, mélangeant Pagan Black Metal et RAC (Rock Against Communism, dérivé d’extrême droite du Punk-Oï). Hendrick Möbius, Sebastian Schauseil et Andreas Kirchner membres historiques d’Absurd sont responsables du meurtre de Sandro Beyer, pour lequel ils écoperont de peine de prisons relativement légères, étant mineurs au moment des faits. Hendrick Möbus est également fondateur du Deutsche Heidnische Front, mouvement néo-païen d’extrême droite.

Mais le lien le plus actuel et le plus pertinent à nos yeux pour bannir de nos salles de concert ce groupe, c’est la présence depuis 2017 de leur chanteur Spellgoth au sein de la formation française Peste Noire, dans laquelle il officie en tant que claviériste. Peste Noire, probablement l’une des formations françaises Black Metal les plus célèbres, qui a débuté sa carrière avec la Demo « Aryan Supremacy » a poussé son terreau idéologique bien au-delà de ses textes. Jusqu’à il y a quelques années, son leader Ludovic Van Alst, plus connu sous le pseudonyme de « Famine », restait plutôt discret sur les affinités politiques de son groupe. Il assume aujourd’hui publiquement ses orientations et affiliations politiques d’extrême droite.

Détailler l’intégralité du danger que représente Peste Noire pourrait être le sujet d’un article entier, ainsi nous irons droit au but. Peste Noire jetant un froid au sein de la scène Metal Extrême, ils ne sont pas programmés par des bookers, ni dans des lieux de concerts habituels mais se servent de leur contact avec l’extrême droite activiste pour se produire. Ainsi on les a retrouvé en 2017 au Call Of Terror, événement dédié au NSBM organisé par Blood and Honour, réseau historiquement dédié au RAC, mais qui s’ouvre au NSBM depuis quelques années. L’édition 2016 du Call Of Terror avait d’ailleurs été suivie d’une rencontre entre le groupe et ses fans organisé au local du GUD (« Groupe Union Défense », organisation historique de l’extrême droite française) à Lyon, a côté d’un autre groupe NSBM culte, les savoisiens de Baise Ma Hache. Peste Noire se fait également connaître et produire en Ukraine , berceau historique du NSBM. Ils participeront cette année à Kiev, pour la troisième année consécutive, au festival Asgardsrei au côté des formations tels que M8L8TH, Nokturnal Mortum, Goatmoon, Baise Ma Hache… et Absurd. Famine a d’ailleurs publiquement montré son soutien à plusieurs organisations identitaires Ukrainiennes, le Régiment Azov et la Misanthropic Division.

En France, fort d’être promu par des organisations d’extrême droite, Famine a recruté une formation live au sein de laquelle on retrouve Florian Denis, Adraos de son pseudonyme, membre du groupe de RAC Lemovice, formation choyée par le Front Des Patriotes (FDP) et de Sühnopfer, que l’on retrouve au côté d’Horna et Kristallnacht chez Griviantee Prodctions. Si tout cela vous paraît tourner en rond, c’est bien parce que tout ce milieu Black Metal d’extrême droite est composé d’une clique en définitive relativement réduite de musiciens et de groupes tissant des liens afin de soutenir et promouvoir leur musique au sein d’une sphère qui les laissera s’exprimer sans craindre la censure ou une riposte antifasciste. La scène NSBM, que l’on pouvait autrefois voir simplement comme un énième sous genre du Black Metal, prend maintenant en Europe les allures d’une organisation politique et militante. « Militant » c’est d’ailleurs le qualificatif choisi par le label organisateur du Asgardsrei, « Militant Zone », dont le groupe le plus connu, M8L8TH, se définit comme Militant Black Metal.

Le militantisme affirmé de Famine et de cette néo-scène NSBM est d’autant moins difficile à occulter quand celui-ci s’affiche tout sourire et dans le plus grand des calmes devant le local du Bastion Social, héritier du GUD, à Clermont Ferrand, le jour de son inauguration. Pour rappel, c’est depuis son inauguration au moins deux agressions perpétrées par des militants d’extrême droite que l’on peut recenser.

C’est donc dans ce milieu avec lesquels les membres d’Horna gravitent. Comment se fait-il qu’Ondes Noires, association d’organisation de concerts parmi les plus actives dans la scène Metal française, ou un lieu tel que le Bïfrost puisse laisser passer des groupes aussi impliqués dans l’extrême droite ?

Concernant Ondes Noires, il est difficile de faire la part des choses. De fait, regarder l’historique des concerts programmés par l’association donne mal au crâne. Dans leur programmation récente se côtoient aussi bien des groupes éloignés des délires politisés du Black Metal (Pryapisme, bien que le concert ait été annulé par souci de santé d’un de ses membres), des groupes politiquement ancrés à gauche (la formation Punk Hardcore américaine culte Agnostic Front) que Sale Freux (signés sur le label de Famine). Ce qui saute aux yeux est une relative absence de considération pour les orientations politiques des formations, comme si la musique extrême n’était qu’une enveloppe vide dépolitisée. Ondes Noires semble se vouloir être une organisation apolitique.

Pourtant, est-il responsable dans un contexte où l’extrême droite radicale et activiste explose et a de plus en plus le vent en poupe de promouvoir des formations si idéologisées ? L’antenne rouennaise de Ondes Noires nous avait pourtant déjà fait le coup en Novembre 2017 en programmant au feu- Hipster Café (en son temps repaire de flics et d’identitaires normands) Belenos (Black Metal aux forts accents identitaires bretons) et Neptrecus. Ce dernier, groupe francilien s’affichait calmement sur une radio d’extrême droite, Méridien Zero, et leur guitariste Tancrede peut être aperçu sur les internets posant aux côtés de Varg Vikernes, odiniste et suprémaciste blanc, seul membre du projet Burzum. Pour les non-initiés, Burzum est une formation légendaire de la seconde vague de Black Metal norvégien, responsable avec d’autres membres de cette scène d’une trentaine d’incendies d’église et du meurtre d’Euronymous, guitariste de Mayhem. Installé en France depuis sa sortie de prison en 2009, Varg Vikernes sera perquisitionné en 2013 pour suspicion de terrorisme. Tancrede a également été ingé son au cours du Night Of Honour. Ce concert NSBM regroupant Baise Ma Hache, Nordglanz, Blessed in Sin et Stahlfront, a été organisé discrètement au local picard de Serge « Batskin » Ayoub, fondateur des Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires, dissoutes suite à l’affaire Clément Méric.

C’est d’ailleurs l’inquiétude de plusieurs membres actifs de la scène alternative Rouennaise de voir des formations de cette couleur politique se produire dans nos salles qui conduira à l’exclusion des concerts d’Ondes Noires de l’agenda « Viens ! » (agenda papier et web diffusant les concerts alternatifs sur Rouen). Faut-il cependant jeter la pierre spécifiquement à Ondes Noires pour donner une tribune à ce type de formations ou touche t-on à une problématique beaucoup plus large au sein de la scène Metal ?

La scène Metal est assez frileuse sur la question politique, à l’inverse par exemple du Hardcore et des ses dérivés (Post-Hardcore, Grindcore, Screamo ou Powerviolence), dont l’histoire est intimement lié à des mouvements contestataires (anticapitalisme, féminisme, veganisme, straight-edge…). Le Rap français de ses débuts, également est un genre difficilement « apolitisable » du fait de ses origines sociales et du cri de rage contestataire qu’il était conçu pour emmètre. Le Metalleux a, à l’inverse, tendance à fermer les yeux sur les considérations politiques de sa musique, à tel point que la phrase «j’écoute (insérez une formation idéologiquement teintée) pour la musique sans faire attention aux paroles » semble être devenue une réponse automatique. Ainsi vous auriez pu vous rendre aux Feux de Beltane, festival privé organisé par le label « Les Acteurs de L’ombre » au fin fond du Finisterre dans une ferme autogérée tenue par un collectif antifa, où vous auriez pu voir aussi bien Paramnesia en (groupe qui aura joué plus d’une fois à la Comedia) que Sale Freux (régionalistes et petits protégés de Peste Noire). Vous auriez pu aller au Ragnard Rrock Fest, rassemblement où se côtoyaient des formations NSBM cultes (Nokturnal Mortum, Graveland ou Kroda), croiser Famine ou des hordes de boneheads sous stéroïdes et voir des youtubers défendre le festival et son prétendu apolitisme et vous en faire des live reports.

Hors, peut-on dépolitiser à ce point un contenu culturel quand les humains derrière l’œuvre sont ouvertement politisés, et militants dans des sphères d’extrême droite radicale dont les actes violents sont dirigés contre des personnes déjà touchées par les oppressions systémiques ? Dépenser 50 euros pour aller voir Booba à Bercy, payer une entrée prix libre dans un squat antifa pour voir un groupe de Hardcore ou dépenser 5 euros pour voir un groupe de Black Metal droitard sont des actes politiques. Ils sont une expression d’une vision de la culutre et la défense d’une façon de concevoir et faire jouer la musique. Ecouter un groupe de RAC ou de NSBM sur Youtube sur une vidéo non monétisée parce qu’on aime la musique est une chose, soutenir l’effort d’un groupe NS dans un café-concert, acheter leurs albums ou leur merchandising en est une autre.

Famine, au cours d’une interview réalisé dans le cadre du documentaire Auto-produit par et sur Peste Noire « A La Chaise-Dyable » -référence à La Chaise-Dieu, où Peste Noire réside- considère que les fans achetant des albums et du merchandising de son label « La Mesnie Herlequin » De fait, nous lui donnons raison, donner son argent à une personne flirtant avec le Bastion Social, le Régiment Azov et la Misanthropic Division n’a rien d’apolitique.

Le concert d’Horna au Bifrost ne sera pas un rassemblement de boneheads. Nos « amis les fafs » de Vague Normande seront peut être de la partie, mais il y a fort à parier que la plupart du public sera constitué de metalleux qui ont décidé d’ignorer volontairement ou non les problématiques que nous avons soulevé. Mais il est irresponsable de la part d’un booker ou d’une organisation de donner un vernis neutre à des formations politisées et faire comme si cela n’avait aucun impact, dans un contexte où l’extrême droite radicale, en indéniable explosion, harcèle, agresse, mutile et tue. Quelques mois après le verdict conçernant les assassins de Clément Méric, pendant que des mecs se font tabasser à proximité du local du Baston Social ou que Defend Europe s’organise en structure paramilitaire pour refouler des migrants aux frontières.

Le NSBM est un genre à part entière et fait qu’on le veuille ou non partie intégrante de la musique extrême, au même titre que le Grindcore (profondément ancrée à l’extrême gauche) ou le RABM (Red/Anarchist Black Metal, nulle besoin d’en dire plus). Ces groupes sont là, et nous devons faire avec. A l’auditeur d’être intellectuellement cohérent face à cela, et de faire ses choix. Un grand merci aux camarades Rouennais et Havrais pour leur précieuse aide dans la rédaction de cet article.

À propos de l'auteur

Sophie Anderson

Experts en cybersécurité et journalistes spécialisés dans le domaine de la technologie.