En juin dernier, nous vous parlions d’une affaire de viol et d’agressions sexuelles au sein d’un groupe politique rouennais, la Gauche Révolutionnaire. Dans cet article, nous vous exposions l’affaire telle qu’elle nous avait été transmise, ainsi que sa révélation publique par un ancien membre du parti. Mardi dernier, au tribunal de Rouen, l’affaire était traitée avec à la barre des accusés non pas Alexandre Rouillard qui est accusé de viol mais Mick Flynn, l’ancien militant lanceur d’alerte. Ce dernier était attaqué par Alexandre Rouillard, Leïla Messaoudi et Olaf Van Aken (dénoncés par Mick Flynn pour avoir couvert les agissements d’Alexandre Rouillard), de diffamation, d’injures publiques et de harcèlement.
NDLR : Pour plus de précisions sur le fond de l’affaire, voir notre article du 4 juin dernier.
— « Selon moi, l’alcool qu’Alex a consommé est la seule raison pour laquelle j’ai pu sortir de cette voiture ce soir là » —
Il aura suffit de cette simple phrase lâchée par une jeune femme sereine en conclusion à un témoignage d’une rare dignité pour que toute la salle d’audience - magistrats inclus - comprenne qu’une révolution venait de se produire. Plus de retour en arrière possible, ce qu’il venait de se passer l’interdisait désormais. Par ces mots et avec une réalité sidérante, ce qui s’annonçait comme un simple procès en diffamation dévoilait le fond criminel qui le caractérisait. L’audience prenait soudain le chemin de l’inconnu tandis que le visage des plaignants se fermait dans le rictus crispé de l’accusé.
Ce coup de théâtre fut sans nul doute le point d’orgue du procès en diffamation de Mick Flynn (ancien membre du parti trotskiste Gauche Révolutionnaire) intenté par trois cadres de l’organisation qui se tint au palais de justice de Rouen le 18 janvier dernier.
Dernier acte d’un serpent de mer qui ébranle l’extrême gauche rouennaise depuis presque 10 ans, cette audience restera dans les annales comme un point de bascule dans l’affaire des viols et d’agressions sexuelles dénoncés dès le début des années 2010 par des militantes de l’organisation mettant en accusation le chef du groupe : Alexandre Rouillard.
Ce jour là, en plus du dirigeant du parti, deux autres cadres le l’organisation Leila Messaoudi, élue La France Insoumise a Petit-Quevilly, et Olaf Van Aken étaient également assis sur le banc des plaignants. De l’autre côté de la salle, l’ancien membre de la GR, l’irlandais Mick Flynn devait répondre des faits de diffamation, d’injure publique et de harcèlement pour avoir rendu publique en 2020 des informations concernant les agissements dont est accusé Alexandre Rouillard ainsi que sur la couverture que les deux membres précédemment cités lui auraient fait bénéficier.
Choisissant de laver leur honneur par la voie judiciaire, les trois cadres de la GR qui s’estiment injustement visés avaient porté plainte contre leur ancien camarade.
Venu tout droit de Nantes, c’est maître Huriet à qui revenait la charge de défendre l’irlandais. L’homme, affiche une attitude sereine, certaine. Bien que son client soit sur le banc des accusés, il sait qu’il est du bon côté de l’histoire.
À une femme venue témoigner en faveur de la Gauche Révolutionnaire il pose la question - tout en précisant qu’elle n’est pas obligée de répondre : reconnaissez-vous que la commission d’enquête [NDLR : la commission interne de la GR qui avait exclu pour un M. Rouillard du parti en 2012] a qualifié les agissements de Mr Rouillard de viol ? Elle bégaye, flanche, et répond positivement. Huriet la remercie et se rassoie. Il ne posera plus de question au camp des plaignants - témoins ou requérants - de la séance.
La salle vibre, même une témoin des plaignants a reconnu la véracité des documents fournis par Mick Flynn. Leurs deux avocates sont affligées, leurs postures en sont témoins. Les magistrats commencent à changer d’attitude.
Le coup de grâce arrive peu de temps après quand est appelé à la barre une jeune femme qui s’était jusque-là tue auprès de la justice. Sa présence était prévue à l’audience. Pourtant, lorsque l’assistance distingue les plis de son long manteau vert s’avancer vers la barre, un silence de plomb emplit l’air.
Avec la dignité de celle qui ne réclame rien d’autre que la justice, elle raconte alors cette nuit de 2011. Quand à l’issue d’un diner avec d’autres membres du parti, Alexandre Rouillard insiste encore et encore pour la ramener chez elle en voiture alors qu’elle n’en ressentait pas le besoin. Arrivé non loin de la maison de ses parents, le chef du parti se serait alors jeté sur l’adolescente encore mineur, l’embrassant et la saisissant. Parvenant à se dégager et à sortir du véhicule de son agresseur, elle avait alors se réfugier à son domicile.
« Selon moi, l’alcool qu’Alex a consommé est la seule raison pour laquelle j’ai pu sortir de cette voiture ce soir là » Lance-t-elle à une salle suspendue à ses lèvres.
Les plaignants et leurs avocates semblent désemparés d’autant que maître Huriet rappelle qu’en plus de la pléthore de témoignages de ce type, une plainte pour viol avait été classée sans suite en 2014 après une instruction bâclée.
En désespoir de cause, ces derniers font feu de tout bois, accusant notamment un obscure complot politique international faisant suite à des désaccords internes d’avoir poussé Mick Flynn à calomnier Alexandre Rouillard. La cour semble halluciner.
Le délire reprend de plus belle lorsque l’avocate d’Alexandre Rouillard, maître Sanson, met en doute un témoignage de viol (relevé par l’enquête de Mick Flynn) emmenant d’une ex-compagne du leader de la GR. Selon-elle, la relation qu’ils entretenaient au moment des faits rendrait ridicule cette accusation
Faute de pouvoir se défendre sur les faits, les plaignants et leurs avocates se rabattent alors sur le pathos. On évoque l’effet qu’aurait eu la campagne de l’irlandais sur l’état psychologique des plaignants (comparé à celui d’un viol, seriously!?). Lors de son passage à la barre, Leïla Messaoudi se targue même d’avoir à cœur le combat contre les violences faites femmes. À ce moment, la témoin victime d’Alexandre Rouillard quitte la salle.
En réponse aux multiples chefs d’accusation contre Mick Flynn, son avocat dénonce une stratégie « bolloréenne » consistant à se disculper en multipliant les attaques (diffamation, injure publique, harcèlement) ou pour reprendre ses mots, à « tirer dans tous les sens jusqu’à ce que ça marche »
Après les longues et inconsistantes plaidoiries des avocates des membres de la Gauche Révolutionnaire, c’est au tour de maître Huriet de conclure. Dans un moment de bravoure mémorable, l’homme resté jusque-là humble voir réservé hausse le ton. » mais on parle de quoi là ? De viol ! » lance-t-il en tapant du poing sur son pupitre. Des mots jusque là tus sont lancés. L’avocat rappelle la nature « criminelle » d’actes qui pourraient se juger « devant les assises. » Balayant les accusation de diffamation, ce dernier rappelle l’écrasante masse de témoignages qui accablent le leader de la Gauche Révolutionnaire.
A l’issue de près de 4h de procès, le tribunal a annoncé qu’il donnera son rendu le 15 mars. La procureur n’a pas requis de peine et a déclaré s’en remettre à la décision des juges pour cette affaire.
Finalement, ce qui se jouait dans ce tribunal mardi soir, ce n’était pas une question de diffamation, d’injures publiques ou de harcèlement, mais bien de dévoiler au monde, face à la justice, ce qui restera dans les anales comme » l’affaire Rouillard « . Révéler ces années de viols et d’agressions sexuelles impunies et leur — pas si fine — dissimulation par les cadres du parti. Quel que soit l’issue de ce procès, il aura marqué un tournant définitif dans cette affaire.