Cette lettre avait été diffusée en novembre 2020 à l’occasion du premier procès de Valentin pour « Outrage » envers Gérald Darmanin.
Le 26 juillet 2020, M. Darmanin alors fraichement nommé ministre de l’intérieur et accusé de viol, venait parader à Saint-Etienne du Rouvray pour la commémoration de l’assassinat du père Hamel. Un comité d’accueil s’était préparé mais un dispositif répressif considérable avait été prévu pour que rien ne se passe. Pourtant, un jeune homme réussit à l’interpeller : « Violeur, Darmanin sale violeur » : c’était Valentin.
L’évènement qui avait à l’époque fait grand bruit avait été traité par notre journal par deux article disponibles ici et ici. Plus d’une année s’est depuis écoulée mais les choses elles, est toujours inchangées. Darmanin est toujours ministre et multiplie les frasques sexistes. Valentin lui, après avoir été condamné et fait appel est toujours sur le coup d’une accusation d’outrage.
Il sera rejugé le lundi 14 mars 2022 au palais de justice de Rouen. Ses soutiens appellent à un rassemblement devant l’édifice à partir de 13h30.
Un communiqué de soutien signé par quelques ensauvagées nous est aussi parvenu. Le voici en intégralité.
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Lettre à Darmanin et son monde
Que ça soit à l’Assemblée nationale ou dans la culture, vous, les puissants, vous exigez le respect entier et constant. Ça vaut pour le viol, les exactions de votre police, les césars, votre réforme des retraites. En prime, il vous faut le silence des victimes. (Virginie Despentes)
On aurait voulu commencer simplement par « vilains porcs », mais on va être plus précises. Ce message s’adresse à tous ceux qui sont protégés par leur pouvoir, leur situation, leur fortune, c’est-à-dire Darmanin, le monde qu’il représente et les gens qui lui permettent de garder sa position.
Gérald, aujourd’hui tu es accusé de viol, de harcèlement sexuel et d’abus de confiance. Tu sais, ce que tu appelles « avoir eu une vie de jeune homme ». En somme, tu peux user du corps des femmes tout en continuant à te regarder dans le miroir. Chez nous les porcs sont promus ministres. Certains s’en indignent avec l’immobilisme de rigueur tandis que d’autres te défendent. Comme Marlène Schiappa, l’ex-secrétaire d’État à l’Égalité femme-homme, qui te présente comme « un ministre de l’Intérieur très actif » qui a « débloqué 5 millions d’euros pour le droit des femmes ». Comme si ça pouvait changer quelque chose.
Nous, on s’organise. On se lève de nos chaises quand vous êtes récompensés aux césars, on descend dans la rue quand vous êtes nommés ministres, on repeint les murs pour rendre visible ce que vous voudriez qu’on taise.
C’est dans ce contexte que tu oses venir parader à Saint-Étienne-du-Rouvray en juillet. Tu te doutais bien que tu serais attendu de pied ferme. Qu’on serait nombreuses à venir te « chahuter ». Bien protégé derrière tes élus, tes checks-points, tes services de sécurité, ta police et son trombinoscope de personnes
à neutraliser. T’as à peine ouvert ta vilaine bouche que, sacrilège, tu es interrompu au cri de « Violeur, Darmanin sale violeur ». Le cours du temps se fige. Pas possible pour toi de cacher ton malaise, ça a fissuré : V. s’est levé, et il a gueulé, malgré tout ce que tu avais mis en place pour éviter ce moment, malgré le dispositif policier pour nous faire taire.
D’un coup, les corps s’agitent, les flics font leur sale boulot de flics, des dizaines de personnes sont arrêtées. En coulisse le spectacle continue. Lors des gardes-à-vue, un policier demande à une des interpellées si elle porte une culotte. À propos d’une autre : « il faudrait lui faire une fouille au corps, elle est plutôt mignonne ». Ne feins pas la surprise Gérald, tu les connais. Comme nous, tu les as entendus déblatérer leur haine raciste et sexiste sur WhatsApp : « les féministes, tu sais pas sur quelle fesse elles dansent ces grosses putes ». Comme nous, tu les as vu sortir leurs matraques et leurs lacrymos sur la marche féministe du 7 mars à Paris. Comme eux, tu dois penser « qu’elles l’avaient bien cherché ». Avec un patron comme toi, ils sont vernis.
« Violeur, Darmanin sale violeur ». La préfecture s’empressera de dire dans la presse que « ces mots ne sont pas le fait de féministes » et qualifieront « ces individus » comme étant « connus pour leur appartenance à la mouvance Gilets Jaunes et ultra-gauche ». Effectivement V. est un homme, un Gilet Jaune de surcroit, tant réduits à des beaufs sexistes dans les médias. À trop vouloir nous mettre dans des cases tu en oublies qu’il n’y a pas que les féministes qui veulent te dégager. V. partage la même rage débordante que nous.
Ce n’est pas seulement le grotesque de cette situation - un ministre accusé de viol et protégé par ses flics - qui a amené V. à gueuler, mais la structure même de ton gouvernement sexiste qui appelle à des actes comme le sien. En gueulant, il a décidé de ne plus se rendre complice de vos agissements mais de devenir notre complice. Ce jour-là, son cri a fait écho à notre rage à nous, qui étions maintenues à l’écart par les flics. Gérald, les féministes trouveront toujours plus de complices tant que vous continuerez à vous comporter comme des porcs indécents.
Comme dirait une amie : On se lève. On gueule. On t’emmerde. Et si c’était à redire, on le redirait :
« Violeur, Darmanin sale violeur ».
Des ensauvagées.
La lettre en format PFD ici : Darmanin et son monde