Récit, photos et vidéos de l’acte X à Rouen.
Deux canons à eau
Pour le cinquième samedi consécutif, les gilets jaunes du 76 et 27 décident manifester à Rouen. C’est le dixième acte de la mobilisation et l’affluence ne faiblit pas dans les rues de la ville. C’est à la Cathédrale que le rendez-vous est donné et les chants résonnent toute la matinée. L’information circule : ce sont deux canons à eau de la CRS qui nous attendent aujourd’hui. C’est la première fois qu’ils sont déployés à Rouen dans le cadre du mouvement gilet jaune. La dernière fois remonte au mouvement de colère qui avait suivi l’affaire Théo (jeune homme violé par quatre policiers à Aulnay-sous-bois en 2017). De nombreux jeunes de la rive gauche de Rouen avaient alors exprimé leur soutien à la victime et des affrontements avec les forces de l’ordre s’étaient répétés plusieurs jours durant.
La commissariat, le palais de justice et le bureau du procureur de la République visés
Mais en cette matinée du samedi 19 janvier, la situation est calme. Le dispositif policier est passif et les gilets jaunes arpentent les rues de la ville. L’ambiance est au rendez-vous : inscriptions sur les murs, chants, pétards et fumigènes. Après le commissariat de la place Beauvoisine, le palais de justice et le bureau du procureur sont pris pour cible. Des bouteilles pleines de peinture éclatent sur les vitres, et le portail principal du palais est forcée sous les cris de « Amnistie pour tous les gilets jaunes ».
Durant la pause midi-casse-croûte, d’immenses banderoles sont hissées au sommet des échafaudages de l’Hôtel de ville. L’action est abondamment applaudie et impulse la deuxième mi-temps de la partie. Le cortège est énergique et la détermination palpable. La tension monte rapidement, notamment aux abords de la gare. C’est à ce moment que les forces de l’ordre font le premier sang : un gazage en règle sur la foule.
Une BAC remontée à bloc
La BAC intervient immédiatement, tout droit sortie de la rue du Donjon. À la différence des autres semaines, ils foncent sur la foule et s’en prennent au manifestant au corps-à-corps. Un coup de flashball part, et touche le dos d’un gilet jaune, à 5 mètres. La controverse actuelle sur cette arme ne semble pas suffire pour calmer son usage. La police continue de tirer, à bout portant, sur des personnes en train de fuir.
Le cortège reflue rue Jeanne d’Arc. Les lignes de CRS sont beaucoup plus oppressantes que les semaines passées et progressent vite. La BAC, remontée à bloc, parvient à prendre les devants et couper le cortège au niveau de l’espace du palais. La tête de cortège, relativement clairsemée, se retrouve prise en étau, au niveau de la Poste rue Jeanne d’Arc.
Plusieurs charges de la Bac très agressives. Sûrement plusieurs arrestations . #ActeX des #GiletsJaunes a #Rouen pic.twitter.com/uKd9XLd8Br
— Rouen dans la rue (@Rouendanslarue) January 19, 2019
Une banderole saisie et une dizaine d’interpellations
Les bacqueux chargent et ne semblent poursuivre qu’un seul objectif : la banderole « Nous vivons pour marcher sur la tête des rois » qui leur a tenu tête trois manifestations durant. Ils parviennent à la saisir sur un « Choppez là ! ». Les gilets jaunes tentent d’échapper à l’étau policier comme ils peuvent, certains y parviennent par chance, en slalomant ou en se réfugiant dans la librairie l’Armitière. D’autres sont pris. On déplore une dizaine d’interpellations.
La manifestation, éclatée en différents cortèges disséminés partout en ville continuera à balader les forces de l’ordre pendant toute l’après-midi. Plusieurs centaines de gilets jaunes réussiront à se réagréger place de la cathédrale. Un grand feu de joie (de poubelles) est lancée. Les forces de l’ordre interviennent violemment, relançant la chasse aux derniers manifestants jusqu’en début de soirée. Barricades enflammées, quelques affrontements et de nouvelles interpellations seront les derniers éléments notables de cette journée.
Acte XI, Évreux ?
Si la mobilisation n’a pas faibli sur cet acte X à Rouen, les gilets jaunes semblent buter contre les limites des manifestations rouennaises. Le terrain est bien rôdé, côté manifestants autant que forces de l’ordre, ne laissant que peu de place à l’inattendu. L’absence de cibles et d’objectifs clairs fait défaut à la situation. La hantise de la blessure est dans toutes les têtes et entame le courage gilet-jaunesque malgré les équipements de défense largement utilisés.
La semaine prochaine, pour l’acte XI, de nombreux gilets jaunes de la région appellent à converger sur Évreux. Les arrêtés préfectoraux qui s’étaient abattues sur le département de l’Eure, interdisant les regroupements de gilets jaunes, ont été renouvelés par le préfet pour outrepasser la courte victoire judiciaire qui avait permis de les faire suspendre. Face à cette aberration les gilets jaunes du 27 sont remontés et comptent marquer le coup sur cette ville qui abrite la préfecture. L’envie de changer d’air se fait sentir pour les normands, et cet appel constitue une belle opportunité d’y remédier! Mais pas d’inquiétude, certains acharnés des manifs rouennaises battront tout de même le pavé dans la capitale normande samedi prochain.
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