Depuis l’acte III, moment de pic d’intensité du mouvement en termes de blocage et d’émeute, le gouvernement a déployé sa machine contre-insurrectionnelle comme jamais. Il lui a fallu ressortir du placard les vieux manuels sur l’art de faire la guerre à sa population tout comme ceux sur l’art de la tromper.
Si le pouvoir aura effectivement réussi à contenir l’acte V, cela n’aura pas été sans fragiliser peut-être définitivement sa façade « démocratique ». Il n’est pas sans conséquence, en matière de fidélité entre un peuple et ses gouvernants, de mentir ouvertement, de truquer des photos et des chiffres, d’interpeller et de blesser autant de manifestants ou de simplement les interdire massivement de manifester.

L’usage de la force
89 000 policiers déployés sur tout le territoire français deux week-ends de suite. 9000 pour la seule ville de Paris. Rappelons-le, c’est la première fois de toute son histoire que la France utilise des blindés sur la capitale. Sur le seul acte IV, plus de 2000 personnes ont été interpellées. Une grosse partie l’ont été préventivement pour simple détention de matériels défensifs tels que des masques anti-poussières. Des centaines de personnes ont été blessées. Ce sont des dizaines d’images qui resteront gravées, celles de policiers en civil, canardant sans répis des manifestants et journalistes retranchés derrière un murée, ou simplement celles des mains arrachées.

Nous ne pouvons nous empêcher de voir dans une telle violence la volonté politique assumée d’intimider les manifestants, de les effrayer, de les dissuader de descendre dans la rue. Pourtant, des milliers de personnes ont de nouveau convergé sur la capitale pour l’acte V. En plus de cette vaste opération de disuasion largement relayée médiatiaquement, 50 stations de métro étaient fermées, les accès à Paris intra-muros bouclés, interdisant littéralement à des milliers de personnes venues en bus le simple fait de manifester. Pour ceux qui auront réussi à outrepasser tous les obstacles de ce parcours du combattant, on leur confisqua même le gilet jaune.

La manipulation médiatique
L’allocution de Macron, bien que largement critiquée, n’aura pas été sans effet pacificateur. Sur tous les gros titres, nous pouvions lire « le SMIC augmenté de 100 euros », « des avancées majeures obtenues ». Il est laborieux de revenir point par point sur chacune de ces annonces, mais celle sur le SMIC est probablement la plus aberrante.
C’est bien la prime d’activité (et non le SMIC) qui a été augmentée de 100 euros (une grosse partie de cette augmentation était de toute façon déjà prévue) et celle-ci ne concerne que 25% des SMICards (ceux dont le foyer fiscal est inférieur à un certain quota et qui peuvent effectivement bénéficié de cette prime). D’autres entourloupes ont été sciemment diffusées par un certain nombre de grandes chaînes. Ce n’est qu’une question de temps pour que tous les bernés ne s’en offusquent, et qui sait comment.
Le triste événement survenu à Strasbourg la semaine passée a lui aussi fait l’objet d’une instrumentalisation indécente à l’encontre du mouvement. Outre les débats qui ont pu émaillé les groupes facebook de Gilets Jaunes autour de la théorie du complot, le gouvernement s’est resaisi de cette affaire non seulement pour renforcer la stigmatisaiton habituelle de la population musulmane, intensifier sa fuite en avant sécuritaire mais aussi faire peser sur les Gilets Jaunes la sursolicitation des forces de l’ordre qui a pu indirectement favorisé une telle attaque. C’est ainsi, qu’en plus d’avoir largement disséminé la peur chez les manifestants, on leur rajoutait la culpabilité d’une attaque meurtière. Dès lors, on justifiait d’avance l’éventuelle violence et les cassages de gueule en règle par des policiers à bout sur ceux qui daignaient aller manifester.

Fin de la première manche ?
Bien qu’une fois encore les chiffres de la mobilisation de l’acte V furent largement sous-estimés, on peut affirmer que le mouvement a enregistré l’une de ses premières baisse d’intensité. L’approche de la période de Noël couplée aux techniques contre-insurrectionnelles explicitées précédemment impactent inévitablement la mobilisation. Les rond-points tentent de résister aux menaces d’évacuation. C’est un phénomène d’asphyxie qui s’est abbatue sur le mouvement Gilet Jaune dont la colère ne s’est absolument pas dissipée. Il est indéniable que cette dernière continuera de gronder souterrainement jusqu’à son prochain soubresaut (soirée du nouvel An?). Au prochain faux-pas gouvernemental, il n’est pas incertain que l’expérience commune des Gilets Jaunes les portera cette fois jusqu’à la démission de Macron. Tout ce qui s’est vécu et continue de se vivre sur les rond-points, les blocages ou les émeutes, a permis à tout un peuple de retrouver sa capacité politique, c’est à dire, sa capacité d’agir que même un RIC ne pourra pas contenir.