Mise à jour importante : Nous avons publié hier un post facebook et finalement un article sur cet abbé de l’Eure, Francis Michel, bien connu et largement apprécié des gilets jaunes. Depuis, nous avons reçu beaucoup de commentaires et d’informations complémentaires qui viennent préciser la nature sulfureuse du personnage, et notamment ses liens avec un courant d’extrême droite au sein de l’église. S’il s’agissait au départ d’une article mi-amusé, mi-informatif, la situation nous oblige à apporter d’utiles précisions. Nous ne pensons pas cependant que le fait qu’il soit maurassien change grand chose à l’information et à la sanction qui lui tombe dessus. Etre royaliste et d’extrême droite n’a jamais été un motif d’exclusion de l’église catholique, bien au contraire ! Nous ne pensons pas non plus que ce fait suffise à lui-même pour supprimer cet article. Voici donc ces quelques compléments.
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Tout le monde se souvient de cet abbé, Francis Michel, qui avait enfilé un gilet jaune par dessus sa soutane, présent dans les manifestations et sur les ronds-points. Il s’était fait remarquer pour avoir célébré une messe anti-Macron au Planquay dans l’Eure.
Scandalisé l’évêque d’Évreux, Monseigneur Nourrichard, avait saisi le Vatican pour que « cette personne soit renvoyée à l’état civil », mais aussi la procureure de la République d’Évreux pour outrage envers le chef de l’État. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que l’homme d’Église enfreint la loi aux côtés des « gilets jaunes » : le 25 mai, il a été placé en garde à vue à Paris lors lors de l’Acte 28 des gilets jaunes car « il voulait mettre sur pied une barricade pour empêcher les forces de l’ordre d’intervenir », précise France-info.
Pour cette affaire, la « justice divine » est tombée avant celle des hommes. Et il est frappé par la peine la plus lourde possible pour le Vatican : « La Congrégation romaine pour le Clergé a, par décret émis au Vatican le 6 avril 2020, infligé à l’abbé Francis Michel la peine de renvoi de l’état clérical avec dispense de toutes les obligations découlant de l’ordination », écrit le diocèse d’Évreux dans un communiqué envoyé à la presse.
La peine est sans appel. Et l’abbé ne dispose d’aucun recours. Il résulte de cette lourde sanction que « Francis Michel perd les droits propres à l’état clérical de même que les dignités ecclésiastiques et les charges et il est délié de toutes ses obligations en rapport avec cet état clérical », précise le communiqué du diocèse d’Evreux transmis à Paris Normandie en fin d’après-midi.
L’Eglise a choisi évidemment le côté de l’ordre et du pouvoir. Elle s’est débarrassée définitivement de ce prêtre trop gênant : « Il est exclu de l’exercice du ministère ordonné et, par conséquent, il ne peut plus célébrer l’Eucharistie, prononcer une homélie, administrer licitement les sacrements de l’Église catholique romaine ni enfin remplir aucune charge de direction dans le cadre pastoral ou avoir une responsabilité dans l’administration paroissiale. »
L’intéressé déclare qu’il ne lâchera pas l’affaire : « Je porterai encore la soutane et je célébrerai l’eucharistie. Sans doute pas au Planquay, car si l’évêque décide de fermer l’église, le maire ne pourra s’y opposer. Faire du bruit n’est pas mon désir mais l’affaire n’est pas réglée. »
C’est ici que deux précisions s’imposent. Le contentieux entre l’évêque d’Evreux et l’abbé ne date pas d’hier : « le prêtre Francis Michel a été démis de ses fonctions (par l’évêque en question) en 2016 pour “ne pas avoir respecté les règles constitutives de [son] rectorat” et “avoir poursuivi ses activités de recteur sans la permission de l’évêché”. D’autant qu’en 2015, l’abbé a été condamné en première instance par le tribunal correctionnel d’Evreux à une amende de 15.000 euros pour “abus de confiance”. On lui reprochait d’avoir détourné 100.000 euros de dons de fidèles. Des faits qu’il a toujours nié », indique le Huffington post. N’acceptant pas cette décision, il avait alors formé un recours en cassation. Un pourvoi rejeté par la Cour parisienne.
Frappé de « suspense a divins« , le prêtre n’avait déjà plus aucun pouvoir officiel. Contestant les griefs qui lui étaient adressés et bénéficiant du soutien des fidèles de son ancienne paroisse, l’abbé Michel continuait toujours de célébrer les messes au Planquay, illégalement au regard du droit divin, mais ça n’est pas notre affaire. En tout cas, il n’avait pas encore été exclu de l’état clérical. Et c’est bien cette dernière affaire qui a permis à l’évêque de se débrasser définitement de l’abbé.
Deuxième précision : on peut aussi légitimement s’interroger sur la tonalité politique de l’abbé. En 2010, Erwan Lecœur, spécialiste de l’extrême-droite, avait analysé les sermons du prêtre. Il déclare alors : « L’abbé Michel n’est pas qu’un brave curé de campagne, il se rattache à une tradition catholique monarchiste, très militante et engagée à l’extrême-droite. »
Maurassien, l’abbé est connu pour célébrer des messes pour Louis XVI. Le 21 janvier 2001, dans son église de Thiberville (Eure), il déclarait d’ailleurs pendant son sermon à propos de la mort de Louis XVI: “En coupant la tête du Roi, on est passé du Roi très chrétien à la laïcité républicaine amenant aujourd’hui la société sécularisée… C’est pourquoi je professe du haut de cette chaire, mon attachement à la Cause Royale, avec un Roi catholique recevant l’onction à Reims”. Selon lui, l’abbé se rattache aussi au courant traditionaliste des catholiques intégristes. On trouve tous les éléments dans cet article de La Vie.
Royaliste et traditionnaliste, la chose est entendue. Et il serait difficile de le taire et de continuer à dire comme hier que nous ne connaissons rien de l’homme même si nous l’avions croisé à de multiples reprises en manifestation. Le GJ sur la soutane nous avait plutôt amusé. Tout comme la déclaration suivante : « Jésus n’est pas né parmi les riches ou les grands prêtres : il est né parmi les humbles et les bergers. S’il était né aujourd’hui, il serait peut-être né sur un rond-point ».
Nous ne sommes pas des fous de dieu et de ceux qui vouent leur vie à lui. Faire voeu de chasteté pour honorer ce que nous tenons pour un être imaginaire devrait suffire à éveiller la plus grande des méfiances. Et le voilà de surcroît réactionaire. Est-il possible alors de continuer à dire que l’abbé appartient à la longue tradition de ceux pour qui servir leur Dieu c’est se mettre du côté de ceux qui souffrent et qui luttent contre les injustices ?
Il fût aussi assurément un gilet jaune qui comme des milliers d’autres ont mis leur corps et leur vie en jeu. Son existence rappelle le caractère contradictoire, confus et hétérogène de cette révolte, comme sans doute de toute révolte, qui nous a appris à faire le deuil d’une certaine pureté idéologique. Faudrait-il virer les curés royalistes qui rejoignent les insurgés ou au contraire espérer comme nous le pensons que seule l’expérience de la lutte est à même de transformer les individus ?
Peu importe. La question ne portait pas initialement sur l’évaluation politique du personnage mais sur la condamnation religieuse qui vient de tomber sur lui. Et ça n’est absolument pas ses idées que le Vatican condamne. Etre royaliste et réactionnaire n’a jamais été un motif d’exclusion de l’église catholique, bien au contraire !
C’est bien l’offense au chef d’Etat, nouveau crime de lèse majesté, qui a permis à l’Eglise de se débarasser du personnage en l’excluant définitement de l’ordre clérical.
Pour rappel, la mesure est exceptionnelle. Elle frappe parfois les prêtres pédophiles mais ce n’est pas systématique. Le cardinal Philippe Barbarin jugé en appel à Lyon pour « non-dénonciation d’abus sexuels » avait lui était contraint de présenter sa démission au Vatican en tant que Cardinal mais il reste dans l’Eglise. L’abbé de la Morandais avait notamment tenu ces propos : « On a toujours l’impression qu’un viol, c’est de la violence. Au départ, je ne crois pas […] Dans les échos que j’ai eus, un enfant cherche spontanément la tendresse d’un homme ou d’une femme. Et souvent ce sont des gamins en frustration de tendresse, ils vont chercher la tendresse ». L’archevêque de Paris, Michel Aupetit, s’était condamner « fermement » ces propos et l’abbé avait présenté ses excuses. Point final.
Il est vrai que ça reste des broutilles par rapport à une messe peu favorable au président des français.