🔴 ROUEN - 35000 PERSONNES - UN NOUVEAU DÉFILÉ PACIFIÉ
« Le nombre compte mais ne fait pas tout. » A lire jusqu’au bout.
Encore beaucoup de monde dans les rues de Rouen pour cette nouvelle journée de mobilisation contre la réforme des retraites. Au moins autant que pour la première journée du 5 décembre selon certains.
L’idée circulait autant sur les réseaux que dans les esprits : se retrouver en tête du cortège pour cette nouvelle manifestation et tenter ainsi de dynamiser les processions syndicales. Plusieurs centaines de personnes, des gilets jaunes, des pompiers, des jeunes et moins jeunes avec ou sans étiquettes ont formé un cortège derrière une banderole « Dernière grève avant la fin du monde ». Parapluies, sono, graffitis, pyrotechnie, déviation du parcours officiel. Passage rue Jeanne d’Arc, dans l’enceinte du CHU, devant la caserne de pompiers. On croit sentir les bonnes heures du cortège de tête, façon Loi Travail.
A nouveau le cortège sauvage rejoint le gros des troupes syndicales pour s’élancer ensemble Boulevard de l’Yser, direction la gare : objectif officieux mais évident pour un mouvement mené par des taux de grèves importants dans les secteurs des transports et de la logistique, cheminots en tête. Ce n’est finalement que la tête de cortège qui osera s’aventurer sur l’avenue menant à la gare, sous le regard inexpressif des hordes de syndiqués qui tracent leur route sur le parcours déposé. Déception immense donc pour ceux qui mettent leur corps en jeu pour amorcer la conflictualité nécessaire à cette lutte.
Le cortège reprendra finalement sa route, comme prévu, jusqu’à la préfecture. Comme il est coutume depuis des décennies, les manifestants retournent petit à petit à leurs voitures avant le point final tandis que les autres viennent renifler l’odeur des sandwichs-merguez qui depuis 40 ans embaument l’écrasement de toutes les luttes.
Non contents, les manifestants les plus déterminés ont voulu faire demi-tour pour regagner le centre-ville. Rappelons que beaucoup posent des jours de grève et ne se satisfont pas de la promenade syndicale. Mais ces manifestants ont été confrontés sur leur passage aux petits chefs syndicaux qui n’entendaient pas les laisser aller comme ils l’entendaient : empoignade et échauffourée. Aussi triste que cet événement puisse paraître, il est l’expression d’une frustration, d’une colère immense contre ceux qui, depuis le début de ce mouvement, ont repris leur rôle de médiateurs sociaux, managers de luttes, et qui manient trop bien l’art de la contre-insurrection. Contre ceux dont la fonction syndicale a colonisé tout leur être, jusqu’à leur retirer toute sensibilité, tout bouleversement possible voir leur propre colère.
Une manifestation sauvage s’élancera finalement vers le centre-ville avec quelques centaines de manifestants : gazage, charges et deux arrestations.
Le nombre compte, mais ne fait pas tout. Et l’année qui vient de s’écouler l’a démontrée avec force. On peut être quelques milliers, ne jamais se laisser dicter ses manières de lutter, être imprévisibles et faire trembler le pouvoir. Mais on peut aussi être cinq fois plus nombreux et simplement être ignorés par ceux qui gouvernent. Aujourd’hui des centaines de manifestants avaient pris cette évidence au sérieux, comme pour prendre acte des leçons du mouvement des gilets jaunes et refuser le retour au défaitisme inhérent à la contestation classique.
La force de ce mouvement réside peut-être dans les actions de blocage, dans la nuisance réelle des grèves des secteurs clés et dans les rencontres entre ceux qui décident d’agir ensemble. Affaire à suivre.